UNIVER5ITY OF PITTSBURGH
jJarlington JM-emonal J_/ibrary
HISTOIRE
DES ARBRES FORESTIERS
DE
L'AMÉRIQUE SEFfENTRIONALE.
Se trouve à Paris , chez :
l/AuTEUR, place s. Michel, n". 8 ;
TnEUTTEL ET WuRTZ, nie de Lille, n». 17; même maison,»
Strasbourg. (lABiiiEL DuFOCR ET C=. , riie des Mathurins S. Jacques, n» 7. BossANOE ET M A S S o N , nie de Tournoii , n". 6. Le Charlieu, à Bruxelles.
A Philadelphie : C-Irez Samcel Bradford and Inskeep, Soath S.** Street.
HISTOIRE
DES ARBRES FORESTIERS
DE
L'AMÉRIQUE SEPTENTRIONALE ,
CONSIDKHKS P H I N C I P A LE M E N T
SOUS LES RAPPORTS DE LEUR USAGE DANS LES ARTS
ET DE LEUR INTRODUCTION DANS LE COMMERCE ,
AINSI QUE d'après LES AVANTAGES Qu'lLS PEUVENT OFFRIR AUX GOUVEBNEMENS E!f EUROPE ET AUX PERSONNES QUI VEULENT FORMER BE GRANDES PLANTATIONS.
Par Fj ANDRÉ -MICHAUX,
Membre de la Société Philosophique américaiim de Philadelphie ; des Sociétés d'Agriculture de la raème ville, de celles de Charleston , Caroline méridionale ^ d'Hollowell , District de Maine ^ du département de la Seine, et de Seine- ct-Oist;.
. arbore srilcnmus maria , lerrasque admovemut , arbore exψijicamus tecta .
Pi.iNi sECUNiii: JVfll. /?ixt. , lib. XII.
TOME II.
PARIS,
DE L'IMPRIMERIE DE L. HAUSSMANN. M. D. CGC. XII.
Digitized by the Internet Archive •
in 2009 with funding from
University of Pittsburgii Library System
http://www.archive.org/details/liistoiredesarbre002mich
LES CHENES.
xJans la plus grande partie de l'Amérique septen- trionale , comme en Europe , il n'existe pas d'arbre qui soit d'une utilité aussi réelle que le Chêne : par-tout son bois est réputé le meilleur dans les constructions navales, et par-tout on l'emploie de préférence pour la charpente des maisons, et géné- ralement pour la confection des instrumens ara- toires. Il semble aussi que cet arbre ait été répandu par la nature, en raison de son utilité. Sans parler ici des climats fort difFérens où il se trouve, objet dont je traiterai à la fin de ce précis , le nombre de ses espèces connues, déjà très - considérable , aug- mente tous les jours par les nouvelles recherches des voyageurs naturalistes, surtout dans le continent oc- cidental , et l'on peut dire que le nombre de ses^ variétés est infini. Ce fut l'importance de ces diverses^ considérations qui détermina mon père , lors de son' retour des Etats-Unis en France , à décrire et à faire graver les différentes espèces qu'il avoit reconnue*; dans le cours de ses voyages. Ce Traité, qui parut en 1801 , fut reçu avec intérêt par tous les botanistes et amateurs d'agriculture.
Je ne puis mieux faire connoître le genre d'arbre dont il est question , qu'en rapportant le morceau suivant, extrait de l'ouvrage de mon père, n. i
2 CHÊNES.
tf Le genre Chêne (dit-il, pag. 4 de son Intro- duction J renferme un grand nombre d'espèces qui ne sont pas connues, et la plupart de celles qui croissent en Amérique se présentent sous des for- mes si variées dans leur jeunesse , qu'on ne peut les reconnoitre sûrement qu'à mesure que l'arbre par- vient à l'âge adulte.
» Souvent une variété intermédiaire paroît telle- ment rapprocher deux espèces , qu'il est difficile , d'après l'examen de la foliation , de déterminer à laquelle des deux cette variété doit appartenir. Quelques espèces , sujettes à varier dans leur jeu- nesse , paroissent alors si différentes , que les ca- ractères de la foliation sont insuffisans pour faire reconnoître la même espèce dans les individus jeunes et dans ceux qui sont adultes. Plusieurs autres, au contraire, présentent une telle uniformité, que les distinctions spécifiques ne peuvent être établies que sur la fructification , laquelle est elle-même sujette à des exceptions et à des variations. Ce n'est que par des observations comparatives sur les individus considérés dans l'âge adulte et dans l'adolescence , qu'on peut parvenir à distinguer les espèces qui ont entr'elles une grande affinité , et à rapporter les va- riétés à leur espèce.
« La description des Chênes de l'Amérique Sep- tentrionale a été obscure jusqu'ici, par plusieurs raisons : 1°. les botanistes qui ont visité ces pays, n'ont donné que des observations isolées sur ces arbres, et n'ont point eu égard aux caractères de la
CHÊNES. 3
fructification ; 20. les auteurs qui en ont traite d'après eux, ont souvent réuni plusieurs espèces sous une même dénomination; enfin, les figures qu'ils ont données des Chênes d'Amérique que l'on cultive en Europe , ne sont pas toujours exactes , parce que leur accroissement y est retardé par une tem- pérature qui leur est moins favorable que celle dc leur pays natal, et parce qu'ils y conservent plus long-tems les variétés de foliation qui caractérisent leur adolescence. »
« Pour éclaircir mes doutes^ j'ai semé et cultivé pendant mon séjour en Amérique toutes les espèces que j'ai eu occasion d'observer et de recueillir, et dès la deuxième année , j'ai eu la satisfaction de re- connoître toutes les variétés qui, lorsque je parcou- rois les forets, m'avoient causé tant d'incertitudes. En suivant avec attention et assiduité les variations que certaines espèces éprouvent, jusqu'à ce quelles soient parvenues à l'âge adulte , j'ai reconnu dans les plus jeunes individus l'empreinte et le type de leur espèce. C'est ainsi que je suis parvenu à recon- noître les rapports qui existent entr'elles. Pour en faire le rapprocHement , j'ai profité des moyens que la nature elle-même sembloit me fournir; mais si , d'un côté l'observateur, qui suit la marche de la nature , parvient, par le rapprochement des espèces, à les lier entre elles, d'un autre côté il se trouve
' Plusieurs des figures données par Dn Roi, et celle de Phicknct, plan- ches nv, fig. 5, représentent des Chênes (|ni n'avoicnt point acquis 1 eut de perfection que donne l'Age adulte.
4 CHÊNES.
très-embarrasé lorsqu'il s'agit de déterminer chaque espèce , et de lui assigner des caractères propres et différentiels.
(f J'ai cherché à disposer les différentes espèces de Chêne d'Amérique , suivant une série naturelle. Pour y parvenir, j'ai pensé d'abord que les parties de la fructification me fourniroient des caractères propres à établir cette série ; aucune ne m'en a offert les moyens, et je n'y ai trouvé que des distinctions de peu d'importance, telles que l'attache des fleurs femelles, tantôt presque sessiles, tantôt pédonculées; la grosseur des fruits , leurs différentes époques de maturité , etc. 11 ne m'a pas été possible non plus d'établir une distinction suffisante, d'après la struc- ture de la cupule. J'ai donc porté mes observations sur les feuilles ; elles m'ont offert des distinctions plus frappantes, et je m'en suis servi pour établir deux sections dans ce genre. La première renferme les espèces à feuilles mutiques , c'est-à-dire dépour- vues de pointes sétacées; j'ai rangé dans la seconde celles à feuilles , dont le sommet ou les découpures sont terminées par une soie,
« L'intervalle de temps qui s'écoule entre l'ap- parition de la fleur et la maturité du fruit, n'est pas le même dans toutes les espèces de Chêne; ce terme de la fructification , que j'ai présenté d'abord comme insuffisant pour établir les deux sections principales, m'a paru néanmoins assez important pour l'admettre comme caractère secondaire.
« Il est bien reconnu que toutes les espèces de
CHÊNES. 5
Chêne sont monoïques, et que dans le Chêne rouvre ( Quercus robur. Lïnn. j et dans plusieurs autres es- pèces , les fleurs mâles sont situées sur les jeunes rameaux qui naissent au printemps, et que les fleurs femelles sont disposées sur ces mêmes rameaux au- dessus des fleurs mâles. On sait aussi que les unes et les autres sont axillaires; qu'immédiatement après la fécondation, les fleurs mâles se fanent et tombent, tandis que les fleurs femelles continuent leur accrois- sement, et parviennent, dans le cours de la même année , au terme de la fructification. C'est-là la marche ordinaire de la nature ; mais il n'en est pas de même à l'égard de plusieurs espèces de ce genre, dans les- quelles les fleurs femelles, que l'on voit paroître au printemps , restent un an entier sans accroissement. Il est à présumer qu'elles ne sont pas fécondées dès la première année , puisque ce n'est qu'après le deuxième printemps qu'elles augmentent de gros- seur, et parviennent à maturité. Il y a donc un in- tervalle de dix-huit mois depuis l'apparition de la fleur jusqu'au temps de la maturité du fruit. Ces con- sidérations m'ont fourni deux divisions secondaires ; l'une comprend les espèces que j'appelle h fructifi- cation annuelle j c'est-à-dire , auxquelles l'intervalle ordinaire de six mois suffit pour arriver au terme de la maturité du fruit ; l'autre renferme les espèces dont la fructification est bisannuelle, c'est-à-dire , dont le fruit ne mûrit qu'au bout de dix-huit mois. Il faut remarquer que, lorsque la fructification est annuelle, elle reste toujours axillaire, taudis que, dans les
6 CHÊNES.
espèces où elle est bisannuelle , elle ne l'est que pendant la première année ; mais à la deuxième , et lorsque les feuilles tombent, elle se trouve néces- sairement isolée. Clusius en a fait la remarque à l'égard du Quercus cerris. Linn. , dont la fructifica- tion est bisannuelle ; il s'exprime en ces termes : « Flores racernatim compactos ut Quercus , è qui- K bus uti nec in Quercu nascuntur caliculi , sedii (c brevi crassoque pediculo annotinis ramulis adhœ- « rent^ non infoliorum alisy omninb hispidi ^ etc. » Glus. rar. pi. Hist. pag. 20.
« Il faut excepter ceux dont la fructification , quoique bisannuelle , reste toujours axillaire , parce que les feuilles ne tombent pas , tels que le Quercus coccifera. Linn. , et le Q. virens. Ait. J'observerai aussi que, dans l'ancien continent, on trouve des Chênes à fructification bisannuelle ; tels sont le Quercus cerris , Q. œgjlops ^ Q. coccifera^ Linn.^ Q. pseudosuber , Desf. , etc. »
J'ai tiré beaucoup de remarques de l'ouvrage de mon père 5 et la disposition rnéthodicpie qu'il a sui- vie dans l'arrangement des espèces , et dont il donne les motifs raisonnes, s'est trouvée tellement d'accord avec le résultat des observations qui me sont propres, que j'ai cru ne pouvoir mieux faire que de l'adopter. J'ai du faire cependant quelques additions et recti- fications à son travail; elles consistent principalement dans l'intercalation de plusieurs espèces nouvelles, et la suppression de deux de celles qu'il donne: l'existence de l'une de ces espèces est très-douteuse ,
CHENES. 7
et l'antre me paroît évidemment être un double em- ploi. Quelques-unes de mes figures sont en outre plus exactes, entr'autres celle du Q. tinctoria.
Mais ce qui distingue particulièrement l'ouvrage que je publie de celui de mon père , c est que la partie économique y est traitée beaucoup plus au long et avec tous les détails que m'ont mis à même de recueillir mes nombreuses reclierches à ce sujet, dans lesquelles j'ai eu pour but constant, d'abord, d'assigner le degré d'intérêt dans les arts que com- porte chaque espèce , et ensuite , d'après cette pre- mière base et les considérations secondaires qui peuvent s'y joindre , d'indiquer celles qui méritent l'attention des Européens , et que les Américains eux-mêmes doivent préférablement conserver ou multiplier dans leurs forêts.
Si mon travail , sous les rapports précédens , a acquis quelque avantage sur celui de mon père , le sien , néanmoins , conservera toujours des titres à l'attention des botanistes et des amateurs de culture étrangère , par d'autres détails intéressans qu'il n'en- troit pas dans mon plan de reproduire : les premiers y verront la citation des auteurs qui ont parlé avant lui des espèces qu'il décrit, et les seconds trouve- ront, à côté de chaque figure donnée , des feuilles de l'arbre parvenu au terme de son accroissement, les feuilles que portent les jeunes plants de ce même arbre, feuilles qui offrent des formes si différentes pendant les trois ou quatre premières années.
Lesepèces, dont je dois donner la description,
8 CHENES.
sont au nombre de vingt-six, et partagées en deux sections : la première contient les espèces à fructifi- cation annuelle, et se compose de dix espèces; la seconde comprend celles à fructification bisannuelle, et en renferme seize. Des observations multipliées m'ont conduit à connoitre que le bois des espèces de la première section est très-supérieur en qualité au bois de celles de la seconde , le seul Chêne vert excepté. La raison de cette différence est que, dans la première, le tissu du bois est plus serré, et que ses pores sont toujours plus ou moins remplis, tandis qu'au contraire ils sont entièrement vides dans les arbres de la deuxième section , dont le bois est par conséquent sujet à se détériorer beaucoup plus promptement.
Je ferai remarquer, avant de terminer cette courte Introduction, que Linnée, dans la troisième édition de son Species plantarum , publiée en 1774? n'^. décrit que i4 espèces de Chêne, dont cinq seule- ment sont indiquées comme originaires du Nouveau Monde, et que , depuis cette époque , les recherches des voyageurs naturalistes ont tellement ajouté à cette nomenclature, surtout pour les espèces américaines, que le nombre de ces dernières , qui sont décrites dans la nouvelle édition du Species plantarum^ pu- bliée en i8o5 par C.-L. Willdenow, s'élève actuel- lement à 44- Seize de ces espèces ont été reconnues, par MM. Humbolt et Bonpland , dans le vieux Mexique j et vingt-six , par mon père et par moi , dans les Etats-Unis et quelques contrées adjacentes.
CHENES. 9
J'ajouterai qu'il est très-probable que cette longue série d'espèces américaines sera encore augmentée par celles que l'on découvrira dans l'ouest de la Loui- siane et dans las provincias internas de la nouvelle Espagne , situées entre les Etats-Unis et le vieux Mexique , pays immenses qui embrassent 3oo ou l\oa lieues d'étendue ( ijoo kilomètres), et qui n'ont jusqu'ici été explorés par aucun naturaliste.
Mais qu'on oublie pour un moment ces nouvelles richesses qu'attend la nombreuse famille des Chênes, et, ne s'occupant que des espèces découvertes jus- qu'à ce jour, tant dans l'ancien que dans le nouveau Monde , que l'on compare leur nombre dans chaque continent , et l'étendue des pays où elles existent , on aura le résultat suivant :
En Amérique , 44 espèces, qui se trouvent toutes dans l'hémisphère boréal, entre les 4^^ ^t 20*" de- grés.
Dans l'ancien continent, 3o espèces, qui sont réparties dans les hémisphères austral et septentrio- nal , à partir du 6o^ degré de latitude boréale.
Cet apperçu assez curieux , et que je crois géné- ralement vrai , ne m'a pas paru déplacé ici. De pa- reils rapprochemens pourroient peut-être contribuer, plus qu'on ne le croit communément, au progrès de la botanique et de l'agriculture, et méritent une attention particulière de la part des voyageurs natu- ralistes. Depuis long-temps je forme le vœu ( et ce vœu sera sans doute partagé par toutes les personnes
II. 2
10 CHENES.
qui prennent intérêt à la science) de les voir s'oc- cuper de la géographie physique des plantes d'une manière plus approfondie qu'ils ne l'ont fait jusqu'à présent.
DISPOSITION MÉTHODIQUE DES CHÊNES
DE L'AMÉRIQUE SEPTENTRIONALE.
Monoecie Polyandrie , Lin. Famille des Ameniacées , Jnss,
I." DIVISION.
Fructijication annuelle. Feuilles mutiques.
I.re SECTION. FEUILLES LOBEES.
I. Quercus alba TVhite oak.
3. Quercus olivaeformis. . . Mossj cup oak.
5. Quercus macrocarpa. . . Over cup whibe oak.
4. Quercus obtusiloba. . . . Posb oak.
5. Quercus lyrata Over cup oak.
2.« SECTION. FEUILLES DENTÉES.
6. Quercus prinus discolor. . Swamp white oak.
7. Quercus prinus palustris. . Chesnuù white oak,
8. Quercus prinus monticola. Rock chesnut oak. g. Quercus prinus acuminata. Yellow oak.
10. Quercus prinus chincapin, S mail chesnut oak.
II.' DIVISION.
Fructification bisannuelle. Feuilles niucronées (excellé dans la onzième
espèce).
I."'^ SECTION. FEUILLES ENTIERES.
11. Quercus virens Ln^e oak.
12. Quercus phellos Vl^îllow oak.
13. Quercus imhricaria. . . . Laurel oak.
i4- Quercus cinerea Uplandwillow oak.
1 5. Quercus pumila Ruwu'ng oak.
12 DISPOSITION MÉTHODIQUE DES CHENES.
2.^ SECTION. FEUILLES LOBEES.
16. Quercusheterophylla. . . Bartramoak. \
17. Quercus aquatica. . . . Water oak.
18. Quercus ferruginea. . . . Black jack oak.
19. Quercus hanisteri. . . . Bear oak.
3.« SECTION. FEUILLES MUI.TIFIDBS.
20. Quercus catesbœi. . 1. . Barrens scrub oak, 2L. Quercus falcata Spanisk oak,
22. Quercus tinctoria. . . . Black oak. 25. Quercus cocciuea. . . . Scarleb oak.
24. Quercus ambigua. . . . Grey oak.
25. Quercus palustris. . . . Pineoak. .
26. Quercus rubra Red oak.
PI. F!'
-P .' /I„i.l,/e J,i
ÇUKKCUS alba.
#^.^/ (\r/.
QUERCUS ALBA.
IVHITE OAK.
Q u E R c US foliis suhœqualiler pinnatifidis ; laciniis oh- loiigis , ohtiisis , plerumquè integerrimis. Fructu ma- juscuIo;cupulà crateratâ, tuberculoso-scabratâ ; glande ovatà.
Cet arbre est connu dans tous les Etats-Unis, ainsi que dans le Canada et le pays des Illinois, sous le nom de Chêne blanc , JVhite oak. Les environs de la petite ville des Trois-Rivières , latitude 46» 20', et la partie inférieure de la rivière de Rennebeck, dans le district de Maine , sont les points les plus septentrionaux où mon père et moi avons commencé avoir paroitre cette espèce. Nous l'avons ensuite obser vée , en suivant le cours de TOcéan jusqu'au-delà du cap Canavéral , latitude 28° , et vers l'ouest, à partir des bords de la mer, jusque dans lepays des Illinois; ce qui comprend une étendue de plus de 400 lieues, ( 1800 kilom. ) du nord-est au sud-est^ et un inter- valle à-peu-près égal de l'est à l'ouest. Il s'en faut cependant que cet arbre soit également répandu dans cette vaste étendue de pays ; car dans le district de Maine, le bas Canada, et l'Etat de Vermont, il est peu abondant , et sa végétation paroit même y être restreinte par la rigueur des hivers. Il est également assez rare dans toute la partie basse des Etats méri- dionaux , dans les Florides et la basse Louisiane; car, comme je Fai déjà remarqué à l'article du Piniis
l4 QUERCUS ALBA.
australiSy la très-grande portion de cette partie du territoire des Etats-Unis est tellement sablonneuse qu'elle n'offre qu'une foret continue de Pins ; c'est pour cette raison qu'on ne l'y voit que sur le bord des marais, mêlé avec d'autres espèces d'arbres qui, comme lui , ne peuvent pas s'accommoder d'un ter- rein trop sec et trop aride. On remarque encore que les contrées où le sol est généralement d'une très- grande fertilité, comme le Rentucky, le Ténessée, le Génessée, et tous les spacieux vallons au milieu desquels circulent les rivières de l'Ouest, sont aussi très-peu fournis en Chênes blancs j car je me res- souviens d'avoir voyagé des journées entières dans ces Etats sans en apercevoir un seul. Il est vrai , cependant , que le petit nombre de ceux qu'on y voit, aussi bien que dans les Etats méridionaux , sont magnifiques. D'après mes observations, ce sont donc les Etats du milieu , y compris la Virginie , qui pos- sèdent cet arbre en plus grande proportion. Il y est certainement plus multiplié que partout ailleurs dans les Etats-Unis , et notamment dans cette partie de la Virginie et de la Pensylvanie , située au-delà des monts Alléghanys , et qui se trouve comprise entre ces montagnes et les rives de l'Ohio, dans une étendue d'environ i5o milles, à partir de Brown- YfïWe , situé sur la rivière Mononghahela. Dans cet intervalle, c'est plus particulièrement aux environs de Greensburg , de Maconel'ville , d'Union- Ville et de Washington, G. H. , que j'ai vu de grandes masses de forets, dont les neuf dixièmes sont uni-
Q UERC U S ALBA. 1 5
quement composés de cet arbre si utile , et dont la belle végétation annonce que la nature du terrein lui est là trcs-favorable, quoique la très-grande majorité des individus aient rarement au-dessus de i5 pouces (4o centim.) de diamètre. A l'est des monts Alléghanys, le Chêne blanc se trouve au contraire disséminé danç toutes sortes de terreins, et placé à toutes sortes d'expositions , pourvu que le sol ne soit ni trop sec ni exposé à être long-temps submergé; car j'ai cons- tamment observé les plus gros Chênes blancs dans des endroits très-humides , tandis qu'à l'ouest des montagnes , où j'ai dit qu'il existoit en corps de forêts j le pays est légèrement montueux, le terrein est demi -argileux, de couleur jaunâtre, et entre- mêlé de pierres calcaires; terrein qui d'ailleurs donne constamment d'abondantes récoltes de froment , et d'une qualité très-supérieure pour la farine.
Il résulte donc de ce qui vient d'être dit, qu'une température trop rigoureuse, un sol trop aride ou trop aquatique, ou enfin d'une très-grande fertilité, sont autant de causes, qui font que pour le présent les diverses parties des Etats-Unis, que j'ai indiquées, et qui forment plus des trois quarts de leur étendue, sont très-peu fournies de cette espèce de Chêne, et que la quantité qui s'y Ixouve, ne subvient même qu'imparfaitement aux besoins locaux , quoique ces pays n'aient pas le quart des habitans qu'ils peuvent contenir.
De toutes les espèces de Chênes qui se trouvent dans l'Amérique septentrionale, et dont le nombre.
l6 QUERCUS ALBA.
y compris celles du Mexique , s'élève à plus de 44 il n'en est aucune qui ait plus de ressemblance avec le Chêne d'Europe , et notamment avec la variété connue sous le nom de Cliéne pédoncule , Queixus pedunculatay dont elle approche beaucoup par son feuillage et les bonnes qualités de son bois. Le Chêne blanc de l'Amérique septentrionale s'élève de 70,3 80 pieds (^25à26mèt.)sur 6à 7 pieds (^2 met.) de diamètre, proportions qui d'ailleursvarient,eu égardàla nature du sol et à la température du climat: ses feuilles sont découpées plus ou moins profondément, et elles m'ont semblé l'être d'autant plus, que les arbres auxquels elles appartiennent croissent dans des lieux très-hu- mides; les lobes ou divisions sont toujours arrondies à leur partie supérieure, et 'ne sont jamais terminées par un angle aigu ou une pointe très-fine , comme dans beaucoup d'autres espèces. Peu de tems après leur développement, au printems, elles sont rougcâtres en-dessus, et blanches et veloutées en-dessous; mais lorsqu'elles ont acquis toute leur grandeur , elles sont lisses et d'un vert tendre en-dessus, et glauques ou blanchâtres à leur partie inférieure. A Fautomne, elles deviennent d'un violet clair, ce qui donne à cet arbre une couleur très-singulière , et le fait con- traster agréablement, soit qu'il soit isolé ou appuyé sur d'autres arbres dont le feuillage n'a pas encore été altéré à cette époque de l'année par les premiers froids.
J'ai encore observé que c'est la seule espèce de Chêne qui, dans le cœur de l'hiver, conserve quel-
QUERCUS AT.BA. jj
ques feuilles desséchées, lesquelles ne tombent qu'au mouvement de la sève. Ce caractère, joint a la cou- leur de son écorce qui est très-blanche, et d'où lui est venu le nom de Chêne blanc, peut aider à le reconnoitre immédiatement au milieu de l'hiver. Ses glands, assez gros et très-doux, sont séparés ou réu- nis deux à deux et contenus dans une cupule peu profonde , tuberculeuse et grisâtre. Celle-ci est sup- portée par des pédicules de 8 à 10 lignes (^centim.jde longueur, attachées aux pousses de l'année , comme dans toutes les espèces à fructification annuelle.
La fructification du Chêne blanc est rarement abondante , car il arrive fréquemment que pendant plusieurs années de suite , dans de très-grandes éten- dues de forets, très-garnies de cette espèce de Chêne , on trouveroit à peine quelques poignées de ses glands. Quelques Chênes blancs donnent des glands d'ua bleu foncé ; mais il paroit que ces arbres sont ea très petit nombre, car je n'ai jamais rencontré que deux individus qui offrissent cette singulière variété quant aux fruits seulement; l'un , qui est un très-bel arbre et très -sain , existe dans le parc de M. W. Hamilton , à Woodland , près Philadelphie, et l'autre je l'ai trouvé dans la Virginie.
Le tronc du Chêne blanc est revêtu d'une écorce très-blanche, sur laquelle on voit souvent de larges taches noires 5 danslesarbres au-dessous de loà i6p«* (4o centim.) de diamètre, l'épiderme se partage carré- ment, tandis que dans les vieux individus, qui crois-
". 3
l8 . QUERCUS ALBA.
sent dans les lieux humides, elle se présente sous la forme de lames superposées latéralement, disposition qui commence à se faire remarquer dans les premières grosses branches. Le bois du Chêne blanc est rougeâtre et très-semblable à celui du Chêne de l'ancien conti- nent, mais il estmoins pesant etmoins compacte ; c'est ce dont on se convaincra facilement en fendant à la hache des morceaux de l'un et de l'autre et à-peu- près de la même grosseur. On observera alors que dans celui d'i^mérique les nombreux canaux , qui correspondent aux intervalles des couches annuelles, sont moins remplis , et présentent beaucoup plus de vides. Son bois n'en est pas moins , de toutes les es- pèces de Chênes que je me propose de décrire, celui qui est le meilleur et dont l'usage est le plus général; car il a beaucoup de force , il résiste très-long-temps à la pourriture, et on peut en obtenir des pièces d'une très-grande dimension. Il est très-employé dans les constructions civiles, quoiqu'il le soit moins qu'il ne l'a été autrefois, parce qu'il est devenu beaucoup plus rare et beaucoup plus cher.
A Philadelphie, à Baltimore, et dans les autres petites villes des Etats du centre j lorsqu'on veut donner aux maisons que l'on construit, soit en bri- ques ou en bois, une solidité qui en assure la durée, on emploie le Chêne blanc pour les soles, les solives, les chevrons , et les lattes sur lesquelles repose la couverture. A l'ouest des monts Alléghanys , où l'on n'est pas à portée de se procurer des planches de Pins , on s'en sert encore pour faire les planchers et
Q U KR eus MBA. l()
pour entourer extérieurement la charpente des mai- sons en Lois; c'est principalement à Maconel- Ville, Union-Ville et Washington, C. II. , que j'ai re- marqué qu'on en faisoit cet emploi; mais il n'y con- vient que très-imparfaitement, car débité en plan- ches il se tourmente, se fend, et ces planches lais- sent entre elles de grandes ouvertures.
On en fait beaucoup usage dans la construction des moulins et des digues, et surtout pour toutes les parties qui sont exposées aux alternatives de la sécheresse et de l'humidité.
Le pont en bois , qui unit Cambridge à la ville de Boston, et qui après de 3ooo pieds [loo mètres) de longueur , est soutenu par des pieux de Chêne blanc, qui ont de i4 à 5o pieds (5 à i6 mètres) de long, et qu'on a substitués à ceux qui avoient été faits précédemment en bois de Pinus strobus.
Les bonnes qualités du bois de cet arbre le font employer de préférence à un grand nombre d'usages ^ et notamment à une grande partie du charronnage. Cette branche d'industrie est surtout très - perfec- tionnée à Philadelphie , et tous les ouvrages en ce genre, qui s'y fabriquent, tant pour le pays, que pour l'exportation, sont fort estimés à cause de leur solidité; ainsi, le bois du Chêne blanc bien sec est employé, dans les voitures et les chariots, pour la charpente, y compris la flèche; dans les traîneaux, pour le train ; dans les charrues, plus spécialement pour l'épaulard ; dans les herses, pour les dents ^ lorsque celles-ci ue sont point faites en fer; dans
20 QUERCUSALBA.
les roues, pour les jantes et les rayons, mais seu- lement pour ces dernières pièces, dans celles de carrosses et de cabriolets. Dans les campagnes des Etats du Nord, du milieu et de l'Ouest, on en fait aussi les moyeux; mais, comme ils sont très-sujets à se fendre, il m'a semblé qu'il n'ëtoit pas très-propre pour cet objet. Les fabricans de chaises , dites de .Windsor, l'emploient partout, excepté dans le dis- trict de Maine, pour en faire la pièce circulaire des- tinée à en former le dos. Le bois des jeunes Chênes blancs est fort élastique , et susceptible de se diviser en lames très-minces et très-petites. On en fabrique tous les paniers communs, destinés à mettre le maïs et à apporter les légumes au marché ; le tour des tamis et même le fond de ceux à grillage de bois ; les manches de fouets des voituriers , qui sont tressés et couverts en cuir. On s'en sert aussi à Boston pour les anses des seaux ; et dans le district de Maine , pour les manches de coignées.
Dans beaucoup d'endroits des Etats du milieu , on emploie, autant qu'on le peut, le bois de cet arbre pour les pieux destinés à soutenir les clôtures des champs cultivés ; mais de l'autre côté de Laurel-Hill (PensylvanieJ, elles en sont entièrement formées , tant il est abondant dans cette partie des Etats-Unis.
Dans le tannage des peaux, l'écorce de Chêne blanc est reconnue par beaucoup de tanneurs comme pré- férable pour la préparation des cuirs de selles et autres de cette nature ; mais elle est fort rarement employée , parce que , comme on ne se sert dans ce
QUERCUSALBA. 21
pays que des ccorccs prises sur le tronc des grands arbres et sur leurs premières branches, on a remar- qué que la partie cellulaire où réside le principe tanin est, dans le Chêne blanc, beaucoup moins épaisse que dans le Chêne rouge , qui est d'ailleurs beaucoup plus commun.
On m'a assuré que 1 écorce de cet arbre donnoit une couleur purpurine : quoique je ne l'aie pas vu employer pour cet usage, je pense que la chose est vraie , car elle m'a été répétée par des personnes qui habitoient à plusieurs centaines de milles les unes des autres. Cependant il paroit que cette couleur n'est pas assez intense , ou nest pas très-solide, car bien certainement le commerce s'en seroit emparé , comme il a fait du Quer citron , produit par le Quer- eus tinctoria. A cette occasion , je me permettrai de relever une erreur qui a été commise dans l'art. I". de
la loi sur les Douanes, du I^^ nivôse ainsi conçu:
« L'écorce de Chêne hlane moulue , connue sous le « nom de Qwerafro/z, paiera, à l'entrée du territoire « de l'Empire , etc. » Ce n'est pas le Chêne hlanc qui donne le Quercitron^ c'est le Chêne noir, Blackoak Quercus tinctoria. On se tromperoit donc étrange- ment, si on demandoit, pour avoir cette substance, de l'écorce de l'arbre dont je donne la description. Il n'existe qu'une seule autre espèce de Chêne dans les Etats-Unis, qui puisse également la donner; mais elle n'est pas susceptible d'en fournir au commerce, par les raisons que je ferai connoitre lorsque j'en donnerai la description.
22 QUERCUS ALBA.
Le Chêne blanc est encore de toutes les espèces de ce genre qui croissent à l'est du Mississipi , le seul qui puisse fournir le merrain propre à contenir les liqueurs spiritueuses et les vins qui viennent d'Europe. Non seulement ce qui s'en emploie pour cet objet est très-considérable, mais la consomma- tion en est prodigieusement augmentée par ce qui s'en exporte tant en Angleterre que dans les colonies des Indes occidentales et aux iles Madère et de Té- nériffe. Le Chêne à poteaux est la seule espèce qui pourroit le remplacer aussi avantageusement ; mais cet arbre , quoique assez commun dans le Maryland et la Virginie, n'y est pas même assez multiplié, pour subvenir aux besoins de ces deux Etats.
Le Chêne-Châtaignier de montagne et le Chêne blanc aquatique , dans les Etats du Nord et du mi- lieu ; le Chêne-Châtaignier des marais et le Chêne à glands, dans ceux du Midi, sont les seules espèces qui , après le Chêne blanc et le Chêne à poteaux , pourroient aussi contenir les liqueurs spiritueuses; mais l'expérience a sûrement appris que ce ne seroit que très-imparfaitement et au désavantage de ceux qui les emploieroient à cet usage; car encore que ces bois ne laissassent pas échapper par leurs pores ces liqueurs et les huiles fines , ils sont assez poreux pour en absorber une assez grande quantité. Enfin, quand bien même ces diverses sortes de Chênes réuniroient toutes les qualités requises pour cet usage important, elles sont si peu multipliées, que, si on les exploitoit pour cet objet , dans le cours de moins de dix
Q UERC U s A LBA. ti'i
années, tout ce qui en existe dans les lùats-Unis en seroit disparu.
Le Chêne blanc lui-même a le grain moins serré que celui d'Europe; c'est ce qui a été bien reconnu à Bordeaux, où Ton préfère celui qui croît dans le pays, ou qui y est importé de Dantzick; et si, dans les colonies des Indes occidentales et à l'île Ma- dère, on se sert exclusivement de celui qui vient de l'Amérique septentrionale , c'est qu'on l'obtient bien plus aisément et à beaucoup meilleur marché.
Comme objet d'exportation , le merrain de Chêne blanc s'expédie de tous les ports des Etats du Nord et du milieu , ainsi que de la nouvelle Orléans ; celui qui vient d'abord de Norfolk et de Baltimore , de même que ce qui descend à la nouvelle Orléans des Etats de l'Ouest , est d'une qualité fort supérieure à celui qui se fabrique dans les Etats du Nord ; ce qui doit être ainsi à cause de la température du cli- mat et de la nature du sol dans lequel croissent les arbres qui le produisent.
La quantité de merrain de Chêne blanc, exportée en Angleterre et surtout aux colonies occidentales, est assez considérable , à en juger d'après deux docu- mens officiels qui sont parvenus à ma connoissance. Par le premier, ilrésulte qu'il a été importé des Etats- Unis en Angleterre, dans le courant de 1808, pour un peu plus de 146^000 dollars Ç 770,000 francs j de douves de différentes sortes, et dans les colonies des Indes occidentales 5 une quantité égale à celle de plus de 53 millions de douves ; mais j'ignore dans l'un et
24 ' QUER eus AL B A.
l'autre cas, la proportion qui existe entre le merrain de Chêne blanc et celui de Chêne rouge , qui furent exportés et qui le sont encore. Je présume cepen- dant qu'il s'en exporte plus du premier en Angle- terre, et davantage du second dans les colonies des Indes occidentales. Le prix du merrain , soit de Chêne blanc , soit de Chêne rouge , a varié d'une manière extraordinaire depuis environ loo ans. En 17 20, les douves propres à faire des barriques, seven- doient à Philadelphie 3 dollars ( i5> francs) le mil- lier; en 1798, 18 dollars (gS francs j, et au mois de février 1808, elles valoient 3o dollars (i55 fr.j. A Liverpool , avant l'embargo sur les navires américains, en août 1807, elles étoient cotées dans les prix cou- rans , environ à 55 dollars (275 francs j , et après l'embargo, en avril 1808, à 100 dollars (525 francsj le millier. On se tromperoit, je pense, beaucoup si on attribuoit la grande différence du prix de 1720 , à celui des temps actuels , seulement à la grande diminution de cette espèce d'arbre ; elle tient à beau- coup d'autres causes qu'il seroit trop long de déduire ici.
On se sert encore avantageusement du jeune Chêne blanc pour cercles à barriques , et il rem- plit très-bien cet objet a cause de sa grande élasti- cité; cependant, ^us ce rapport, il est moins estimé que THickery, qui est plus fort et moins sujet à se pourrir aussi promptement.
Parmi les nombreux usages auxquels j'ai dit que le bois du Chêne blanc étoit plus particulièrement
QUERCUSALBA. 2.^
adapté dans les Etats- Liiis , il n'en est aucun où il soit aussi nécessaire que dans les constructions na- vales, et pour lesquels il ne pourroit être remplacé aussi avantageusement. Ainsi, dans tous les chantiers de constructions des Etats du centre et du Nord, excepté le district de Maine, on s'en sert presque exclusivement pour la quille et toujours pour la charpente inférieure et les bordages : les genoux sont aussi, autant qu'on le peut, de ce bois; mais comme les pièces qui y sont propres sont assez difficiles à se procurer, on est obligé actuellement de les tirer de quelques autres espèces d'arbres. Dans les ports de mer du second ordre , situés entre New-\ork et Boston, et au-delà de cette ville, la charpente su- périeure est aussi en Chêne blanc ; mais ces navires , dont tout le corps est alors de cette espèce de bois, sont moins estimés que lorsque cette partie est faite avec d'autres sortes qui sont plus durables. On sait encore que le Chêne blanc de cette por- tion des Etats-Unis est inférieur en qualité à celui qui vient plus au midi, parce que le grain en est moins serré.
A Boston, les gournables, ou chevilles destinées à maintenir les bordages sur les membrures , sont aussi faites en Chêne blanc.
Pour avoir des idées positives sur le degré de bonté comparatif du Chêne blanc de l'Amérique septen- trionale^ et du Chêne d'Europe , Quercus pedun- culata^ j'ai consulté, dans la plupart des ports de mer des Etats-Unis, des constructeurs et des chefs
4
20 QUERCUS ALBA.
d'ouvriers américains , français et anglais, et presque tous sont d'accord que le Chêne d'Europe est plus du- rable, parce que, comme j'ai eu déjà occasion de le dire , son grain est plus serré , et par suite plus résistant que le Chêne blanc; mais que ce dernier a l'avantage d'être plus élastique, car, lorsqu'il s'agit de courber des pièces d'un grand diamètre, il faut beaucoup moins de temps et la moitié moins de poids ; mais que cet avantage , qui véritablement en est un dans les constructions maritimes, ne compense pas le défaut qu'il a d'être plus poreux; que cependant l'expérience apprend tous les jours que les arbres provenus des endroits très-anciennement habités , donnent des bois beaucoup meilleurs , et que si les vaisseaux américains ne sont pas aussi durables , c'est plutôt parce qu'on ne laisse pas assez dessécher les matériaux dont ils sont construits.
On peut juger, par la quantité de Chêne blanc qui s'emploie dans les constructions navales, dans la bâtisse des maisons, dans les arts mécaniques et dans les clôtures des champs , combien la consommation en est considérable ; et cette consommation est en- core fort augmentée , par ce qui s'en exploite pour fournir au commerce d'exportation , et dont la plus grande partie passe en Angleterre.
Dans les Etats-Unis, ces expéditions se font seu- lement des ports des Etats du Nord et du milieu, d'où il est envoyé en pièces équarries et en planches de différentes épaisseurs : ce qui en est encore im- porté en Angleterre, parla voie de Québec, est tiré
QUERCUS AL B A. 27
des bords du lac Champlain, situés dans les limites du territoire des Etats-Unis; car le bas Canada, les rives du fleuve Saint-Laurent, au-dessus de Mont- Réal , et les bords du lac Ontario , ne doivent^ pour le présent, d'après mes conjectures , fournir tout au plus que ce qui est nécessaire à la consommation des habitans de ces contrées.
Dans un extrait de la douane du fort Saint- Jean, que j'ai déjà eu occasion de citer, la quantité de bois de Cliéne qui est passée par ce poste , pendant les six premiers mois de l'an 1807, est portée à i43,ooo pieds cubiques ( 46,000 mètres J. Oddy, dans son Traité sur le commerce d'Europe, dit que dans les chantiers de constructions maritimes, en Angleterre , on a reconnu que le bois de Chêne blanc, qui ve- noit de cette partie de l'Amérique septentrionale , étoit de fort bonne qualité. Tout en voulant bien partager cette opinion jusqu'à un certain point, je pense cependant que celui qui est importé des ports de Baltimore et de Philadelphie, doit lui être fort su- périeur par les raisons que j'ai données en parlant du merrain.
Avant de terminer l'histoire du Chêne blanc, dans laquelle j'ai fait connoître , autant qu'il m'a été pos- sible, toutes ses propriétés, et par suite son impor- tance dans les Etats-Unis, je me permettrai de ha- sarder une conjecture sur les résultats de la négli- gence qu'on met dans le pays à la conservation et à la reproduction de cet arbre; négligence à laquelle ni le gouvernement fédéral, ni celui des Etats en
28 QUERCUS ALEA»
particulier, ne peuvent remédier; car ils ne pos- sèdent, que je sache , aucun corps de forets. Je pense donc qu'avant 5o ans , eu égard à Faugmentation de la population, aux défricliemens considérables qui auront forcément lieu ; enfin à l'appauvrissement du sol, résultat de l'altération du climat, les Etats du centre, qui sont actuellement les plus garnis de cette espèce de Chêne, seront ceux qui en fourniront le moins, tandis qu'au contraire, dans le Rentucky, le Tenessée,^ le Génessée et autres parties plus au nord , où j'ai dit qu'elle étoit peu multipliée , elle le sera beaucoup plus , et que très-probablement , dans les forets qui existeront alors dans ces contrées, elle remplacera en grande partie les essences qui les composent aujourd'hui, et qui ne trouveront plus dans la nature du sol assez de fertilité pour s'y re- produire; ainsi, près de la rivière de Rennebeck , au milieu des forets primitives, composées de Hêtres, de Bouleaux à canot, d'Erables à sucre et de Pins du Canada, j'ai vu de petits cantons anciennement dé- frichés, puis abandonnés, qui s'étoient naturelle- ment recouverts de Chênes blancs et de Chênes gris, tandis que dans la basse Virginie j'ai remarqué que de mauvais Chênes rouges et des Pins , Pinus mitis et Pinus tœda^ en grande abondance, remplaçoient des arbres d'une meilleure qualité. Les vallons , au milieu desquels circulent les rivières à l'est des mon- tagnes, sont, à quelques exceptions près, les seuls endroits où pourroit se faire cette heureuse méta- morphose ; mais ces terreins sont trop précieux pour
QUERCUS ALBA. 29
la culture , et l'on ne sauroit en tirer un meilleur parti.
Le Chêne blanc de l'Amérique septentrionale peut-il être considéré comme une acquisition utile pour riLurope, et par suite convient-il de le mul- tiplier dans les forets de l'Empire, au détri- ment du Quercus pedunculata y ou même conjoin- tement avec lui ? Je ne le pense pas , et mon opinion est fondée sur les renseignemens que j'ai obtenus principalement de beaucoup de construc- teurs de vaisseaux américains , français et anglais établis dans les Etats-Unis , et qui ont été à même de travailler ces deux espèces de bois ; presque tous sont d'avis, comme je l'ai dit plus haut, que le Chêne d'Europe est préférable, parce que son grain est plus serré et plus compacte ; cependant quelques- uns croient que celui de l'Amérique l'égaleroit en bonté , si on ne le mettoit en œuvre que lorsqu'il est parfaitement sec, et si les pièces employées prove- noient d'arbres venus autour des champs dans les endroits fort anciennement défrichés. Suivant ces mêmes personnes , la supériorité du Chêne blanc se trouveroit seulement dans son plus grand degré d'élasticité , qui le rend propre, lorsqu'il est encore jeune , à en faire des cercles pour les tonneaux. Mais cet avantage ne sauroit compenser son principal défaut 5 et d'ailleurs les cercles du Châtaignier de France sont bien préférables à ceux du Chêne d'Amé- rique , parce qu'ils n'ont pas comme ceux-ci l'in- convénient de pourrir aussi promptement, ce qui
3o QUERCUS ALBA.
rend le Chêne blanc , même en Amérique , infé- rieur pour cet usage au bois d'Hickery.
Il est vrai que le Chêne blanc est employé au- jourd'hui dans les chantiers de la marine royale en Angleterre; mais la raison en est que, dans ces der- niers temps , cette puissance n'a pu tirer d'Europe ce qui lui en étoit nécessaire , et qu'elle est obligée de se servir de bois qu'on rejetteroit peut-être dans d'autres circonstances. Il est d'ailleurs fort possible que cette espèce soit employée pour la charpente inférieure qui est toujours dans l'eau , et que le Chêne d'Europe , ainsi économisé , forme les mem- brures supérieures.
Sous le rapport de l'introduction du Chêne blanc dans nos forêts , je suis fâché de me trouver en op- position de sentimens avec quelques personnes qui ont récemment écrit sur le même sujet; mais je n'ai émis mon opinion, que d'après les résultats des re- cherches que j'ai faites, et des renseignemens que j'ai pris avec soin pendant mon dernier voyage en Amé- rique.
Si enfin on considère cette question comme dé- cidée en faveur du Chêne d'Europe, Quercus pe- dunculata^ les Américains des Etats-Unis devront s'appliquer à introduire cette dernière espèce dans leur pays. C'est surtout aux diverses corporations, dont les propriétés sont plus rarement aliénables, que je me permettrai de faire cette recommandation, qui 5 si elle reçoit son effet, finira par tourner à leur grand avantage et à celui de la société. L'analogie
QUERCUS ALBA. 3l
du climat ne permet pas de douter de la parfaite réussite de cet arbre dans les Etats-Unis; on en trou- vera d'ailleurs la preuve la plus manifeste dans le jardin de M." J. et W. Bartram , situé à 3 milles de Philadelphie, où il existe un très-grand Quercus pedunculata ^ qui, depuis bien des années, donne abondamment des fruits, et continue de pousser avec vigueur.
PLANCHE l\
Fig. 1 . Rameau représentant les feuilles et les glands de grandeur naturelle.
QUERCUS OLIFMFORMIS.
MOSSr CUP OAK.
QuERCUs ohlongis glabris , suhtùs glaucis , profundè în- œqualîterque sinuato-lohabis ; fructu ovato ; cupulâ profundiùs crateratâ , supernè crinitâ. Glande olivoi" formi.
Les bords de la rivière Hudson , au-dessus de la ville d'Albany, et cette portion de l'Etat de New- York, connue sous le nom de Gënessëe , sont les seules parties des Etats-Unis où j'aie trouvé cette espèce de Chêne. Elle y est même assez rare pour que jusqu'à présent les habitans ne lui aient donné aucun nom particulier : j'ai dû y suppléer. J'ai cru aussi devoir changer le nom spécifique latin de Muscosa^ sous lequel cette espèce est comprise dans le tableau indicatif qui précède cet ouvrage, pour celui àlOlivœformis qui m'a paru plus caractéris- tique.
Les feuilles de ce Chêne sont d'un vert tendre en- dessus et blanchâtres en-dessous. Elles se rappro- chent ainsi, quant à la couleur , de celles du Q. alha, mais elles en diffèrent beaucoup par la forme; elles sont plus grandes , laciniées très - profondément et d'une manière irrégulière; et les divisions, dont les sommets sont arrondis, varient tellement dans chaque feuille , qu'il est rare d'en trouver deux qui se res- semblent un peu exactement. Les glands , de forme
/'/ 2.
PJ./L:/.,,,/.-
/ù'fl^/'tt
QUEllC US oliva^/biniKs.
QUERCUS O LIV.^FORMIS. 33
ovale allongée, sont presque entièrement renfermés dans une cupule qui présente à-peu-près la mémo configuration que les glands , et qui , à sa surface , est garnie d'écailles saillantes dont les pointes se re- courbent en arrière, excepté vers le t)ord supérieur où elks se terminent en filamens déliés et flexibles. C'est à cause de cette disposition particulière , que je lui ai donné le nom de Mossy cup oak^ Chêne à cupule chevelue.
Le Quercus olwœformis s'élève à 60 et 70 pieds (30 mètres j. Son tronc, revêtu d'une écorce assez blanche et comme lamelleuse, supporte une cime très- large, qui donne à l'arbre une belle apparence; mais ce qui le rend surtout très-remarquable, ce sont ses branches secondaires, menues, flexibles et toujours inclinées vers la terre. Cette dernière disposition suf- flroit pour engager à le cultiver dans les parcs ou les jardins d'une certaine étendue, à l'embellissement desquels il ne peut que contribuer.
Comme je n'ai trouvé cet arbre que dans des en- droits assez éloignés des lieux habités , je n'ai pas eu la facilité d'en faire abattre , pour apprécier les qua- lités de son bois. Cependant , autant que j'ai pu juger, il n'est pas meilleur que celui du Chêne blanc, quoique très-préférable à celui du Chêne rouge.
PLANCHE II.
Fig. 1 , gland dans sa cupule. Fig. 2 , gland hors de sa cvpule.
IT.
QUERCUS MACROCARPA.
OVER CUP WRITE OAK.
QuE^cvsfollis subtomenbosîs , profonde lyratimque sînua- ùO'lobatîSflobis obtusis : fructu maximo: cupulâ profon- diùs crateratâ , supernè crinatâ : glande turgidè ovatâ,
A. Michaux , Hist. des Chênes.
Les cantons les plus fertiles des Etats du Ren- tucky et de l'ouest Tënessée , ainsi que de la partie de la Haute-Louisiane qu'avoisine le Missouri , sont , au-delà des monts Allëghanys , les endroits où cette espèce intéressante est le plus multipliée. Elle est connue dans ces contrées , des Américains , sous le nom à'Oi^er cup wJiite oak^ Chêne blanc à gland renfermé, et des Français, des Illinois, sous celui de Chêne à gros gland.
Le Quercus macrocarpa est un fort bel arbre qui s'élève à plus de 60 pieds ( 20 mètres ) ; son feuil- lage m'a paru très-toulFu et d'un vert assez sombre. Ses feuilles, plus grandes que celles des autres es- pèces qui croissent dans les Etats-Unis , ont souvent i5 pouces (4o centimètres) de longueur, et 8 pouces ( 20 centimètres ) dans leur partie la plus large. Elles sont crénelées à leur sommet , et sinuées et décou- pées très-profondément dans leurs deux tiers infé- rieurs. Les glands , de forme ovale , sont aussi plus volumineux que ceux de toutes les autres espèces de Chênes trouvées dans l'Amérique septentrionale , et
/y.?.
P.J/ir,/.,<,/.
J{fnar{f Se
OUERCUS iiiacrocarpa .
/ } / 1.^ ^/' "' ^ / ^ /
QUCRCUS M ACPtO CARPA. 3j
dont le nombre, comme j'ai eu occasion de le re- marquer, est de plus de quarante. Ces glands sont contenus, jusque dans les deux tiers de leur lon- gueur, dans une cupule épaisse, inégale, et dont les Lords sont garnis de filamens déliés et flexibles. Quelquefois, cependant, lorsque ces Chênes se trou- vent au milieu de forets touffues , ou que les étés ne sont pas très-chauds, ces fdamens ne paroissent pas , de sorte que le bord de la cupule est tout uni , et paroît comme replié intérieurement.
Il est fâcheux qu'un arbre de cette espèce , et dont les glands sont aussi gros , ait une fructifica- tion peu abondante ; ce qui fait que les habilans des pays où il croît en font peu de cas , et n'ont aucun intérêt à le conserver, parce qu'ils ont re- connu d'ailleurs que son bois étoit inférieur en qualité à celui du véritable Chêne blanc.
J'ai également observé, comme mon père qui en a fait le premier la remarque , que les jeunes branches du Quercus macrocarpa se couvrent d'une subs- tance fongueuse et jaunâtre comme celles de l'Orme et du Liquidambar. Un Chêne , dont les feuilles sont aussi grandes, et qui porte d'aussi gros fruits, est bien fait pour attirer l'attention des amateurs de cultures étrangères, et pour trouver une place dans les parcs et jardins d'une grande étendue.
PLANCHE III.
Fig. \. Gland dans sa cupule y grosseur naturelle.
QUERCUS OBTUSILOBA,
POST OAK.
QuEKCvs foliis smuatis , subtùs pubescentibus , tobis obtu^
sis , superioribus dilatads , bilohis. Fructu mediocri ;
glande brevi-ovabâ»
Q. Stellata , WiLti)» sp. pi.
Dans la partie du New-Jersey, qui avoîsine la mer, ainsi que dans les environs de Philadelphie , cette espèce de Chêne, assez peu répandue dans les forets^ paroit y avoir été considérée jusqu'ici comme une variété du Chêne blanc ; par suite elle n'y est con- nue sous aucun nom particulier. Mais dans le Maryland et dans une grande partie de la Virgi- nie, où elle est très-multipliée, et où on a été à même d'apprécier ses qualités , elle est désignée sous celui de Box white oaky Chêne buis blanc, et quelquefois encore de Iron oakj Chêne de fer, et de Post oak , Chêne à poteaux. Cette dernière dé- nomination est, au contraire, la seule en usage dans les deux Carolines, la Géorgie et l'Etat de Ténessée. Elle m'a semblé plus convenable que les précédentes, comme indiquant un des usages auquel le bois de cet arbre est préférablement employé, et je l'ai conservée.
Les rives escarpées de la rivière Hudson , presque opposée à la ville de New- York , sont les points les plus avancés vers le nord où j'ai trouvé le Chêne à poteaux. Il est vrai que son existence dans cet endroit ne paroit due qu'à l'influence de l'air de
n.4-
J'JJÎftf^u/c
7iemv\{ ^V-
OUEK C IJ S olnusiloba .
QUERCUS OBTUSILOBA- ^'J
la mer , qui, comme on sait, modère jusqu'à un cer- tain point la rigueur des froids. Celte opinion, dans cette circonstance, est, je crois, d'autant mieux fon- dée , qu'on ne trouve pas cet arbre dans les forets tant soit peu distantes de ces situations très-décou- vertes et très-clevées dont je viens de parler. Mais dans les environs de South- Ambojs , plus rappro- chés de 3o milles de la pleine mer , où le sol est d'ailleurs très -sec et très - sablonneux , il est plus commun , et on remarque qu'il le devient davan- tage , et que sa végétation est plus belle à mesure qu'on avance vers le sud. A l'ouest, dans la Pen- sylvanie , le dernier individu de cette espèce que j'ai observé, en me rendant de Philadelphie à Pitts- burgh sur l'Ohio , s'est trouvé à quelques milles en deçà de Carisle , éloigné de i5o milles de Phila- delphie. Aux environs de Baltimore, distant de 210 milles de New- York , le Quercus obtusiloba est très- multiplié dans les bois, et il y parvient à son entier développement, car, dans aucune autre partie des Etals méridionaux, je n'en ai vu d'une plus forte dimension. Dans les Etats du Kentucky et du Té- nessée il est assez rare, et on ne le voit très-abon- damment , quoique d'une médiocre grosseur , qu'au- tour des prairies naturelles où il forme presque exclusivement la lisière des forets, au milieu des- quelles ces vastes prairies sont enclavées. Il existe aussi vraisemblablement dans la Basse-Louisiane, car mon père et moi l'avons trouvé dans la Floride orientale , dont le climat est le même.
38 QUERCUS OBTUSILOBA.
Quoique cette espèce se trouve dans toutes les parties des Etats-Unis que je viens d'indiquer, ce- pendant elle ne m'a paru nulle part plus multipliée que dans les Etats du Maryland, et dans cette por- tion de la Virginie , comprise entre le dernier chaî- non des Alléghanys et la mer. Partout où le sol est sec et graveleux , par suite très-peu substantiel , on y voit le Quercus obtusiloha entrer en grande pro- portion dans la masse des forets , composées princi- palement des Quercus tinctoria^ Quercus coccinea^ Quercus ferrugineaj Quercus falcata^ Cornus Jloriday et fréquemment de Pinus mitis , et de rejetons de Juglans tomentosay forets qui, d'ailleurs, ont une très- mauvaise apparence , tant parce que , comme je viens de le dire , elles reposent sur un sol peu fertile , que parce qu'elles sont constamment dégradées par les bestiaux qui les parcourent toute l'année, et qui, affamés dans l'hiver parle manque d'herbes, mangent les jeunes pousses et les plants des années précé- dentes. La partie haute des deux Carolines et de la Géorgie, surtout au point d'union des landes et des terres à chêne , fort analogue à ces cantons de la Virginie dont je viens de parler , produit également, et parla même raison , beaucoup de Quercus obtusi- loha y tandis que vers la mer, où le sol trop stérile n'est couvert que de Pins [Pinus australis.)^ cet arbre ne se rencontre que sur la partie déclive des marais, ou autour des habitations. Ou sur l'emplacement de celles qui ont été abandonnées à cause de la stéri- lité du terrein.
Q UERCUS OBTUSILOBA. 39
Les feuilles du Quercus obtusiloba sont portées sur de courts pëtioles; leur couleur est d'un vert sombre en-dessus et grisâtre en-dessous. Elles sont longues de 4 à 5 pouces (12 centimètres), épaisses et même coriaces vers la fin de l'été , sinuées assez profondément et d'une manière assez régulière. Elles présentent quatre à cinq lobes, arrondis à leur sommet, dont les deux supérieurs sont beaucoup plus larges. Dès que les premiers froids se font sentir, on remarque que les nervures inférieures deviennent roses et non rouges , ni même tirant sur le pourpre comme celles du Quercus coccinea. La fructification de cet arbre manque rarement. Les glands ovales-arrondis et assez petits, sont contenus jusqu'au tiers de leur longueur, dansune cupule grisâtre et légèrement iné- gale à sa surface. Ils ne sont point amers comme ceux de beaucoup d'autres espèces, mais ils sont très- doux j c'est ce qui les fait avidement rechercher par les écureuils et les dindons sauvages. C'est pro- bablement aussi à cause décela, que quelques habi- tans donnent encore à cet arbre le nom de Turkej oakj Chêne à dindons.
Le Quercus obtusiloba s'élève beaucoup moins haut que le chêne blanc , car sa hauteur excède rarement 4^ à 5o pieds (i5 mètres), et son dia- mètre i5 pouces (4o centimètres); quoiqu'il soit resserré dans les forêts au milieu desquelles il croît , cependant sa cime est fort large , et même plus que sa grosseur ne paroitroit devoir le comporter; ce qui est dû probablement à ce que son tronc se
4o QUERCUS OBTUSILOBA.
partage promptement en plusieurs branches; elles forment, avec celles qui leur ont donné naissance, des angles plus ouverts que cela n'a communément lieu dans les autres arbres j et elles ont surtout cela de remarquable, que de distances à autres , dans leur longueur, elles sont comme coudées ou repliées sur elles-mêmes; disposition particulière, qui donne à cet arbre un aspect assez caractéristique , pour que dans l'hiver , lorsqu'il est dégarni de son feuillage , on puisse le reconnoitre au premier abord. Son tronc est revêtu d'une écorce peu épaisse et d'un gris blanc; lorsqu'il est débité^ son bois a iine teinte jaunâtre et qui ne tire point sur le rouge comme celui du Chêne blanc; le grain en est plus serré et plus fin , mais sa fibre est moins élastique. Ces pro-^ priétés doivent être attribuées à la nature du sol où il croît, lequel est moins fertile et moins humide, ce qui lui donne aussi plus de force et de durée; voilà pourquoi on l'emploie de préférence pour faire des pieux. On se sert de son bois, comme de celui du chêne blanc , pour tous les ouvrages de charro- nage et on en fabrique du bon merrain.
Dansles constructions maritimes,on en faitprincipa- lement les genoux, à cause de la disposition plus obli- que de ses branches. 11 entre aussi dans la charpente inférieure des navires; mais comme son tronc se ramifie promptement, et qu'il n'a jamais un très-grand diamètre, rarement on peut en tirer des planches pour bordages,ou d'autrespièces de fortes dimensions et de grandes longueurs ; c'est ce qui fait que cet arbre
Q UERC us OBTUS I LOBA. l^ l
est généralement moins apprécie que le Chêne blanc, outre (ju'il n'est pas aussi abondant que lui dans les pays où ces deux espèces croissent simultanément , à l'exception néanmoins du Maryland et de la partie de la Virginie que j'ai désignée , où il l'est beaucoup plus.
Dans les colonies des Indes occidentales, on fait plus de cas du merrain qu'on y importe de Baltimore et de Norfolk; cette préférence est, à mon avis, due en grande partie à ce qu'il est fabriqué avec le bois de Quercus obtusiloha , dont le grain , comme je l'ai dit , est plus serré que celui du véritable Chêne blanc.
La disposition très-oblique de ses branches, qui permet d'en tirer parti , pour des usages importans dans les constructions navales , et l'avantage qu'il a de croître dans des terreins secs et maigres , sont des motifs assez puissans pour engager à le propager dans les forets de l'Empire, quoique ce ne soit qu'un arbre de la seconde grandeur. Il réussira surtout beau- coup mieux dans les départemens de l'Ouest et du Midi , que dans ceux du Nord , où le froid peut res- treindre sa végétation. Il mérite aussi de fixer d'une manière particulière l'attention des habitans des Etats-Unis, qui devroient favoriser sa végétation et sa reproduction aux dépens des autres espèces qui croissent avec lui , et qui lui sont inférieures en
qualité.
PLANCHE IV.
Hameau , représentant les feuilles et le fruit de grandeur naturelle.
II.
QUERCUS LYRATA. OFER CUP OAK.
Qv Eï^cvs foliis subsessilibus , glabris ^ lyrato-sînuosis ; summitate dilatatà , divaricato-trilohâ , lohis aciitan- gulis , tcrminali tricuspide : cupulà depresso-globosâ , mûri catO'Scab rata , glande subtectâ.
Cette espèce de Chêne, assez intéressante, paroit être exclusivement confinée à la partie basse et ma- ritime des deux Carolines et de la Géorgie, car je ne l'ai rencontrée nulle part dans le reste des Etats- Unis.Très-probablement, elle doit aussi exister dans la Basse-Louisiane, sur les bords du Mississipi ; car je l'ai observée sur ceux de la rivière Saint-Jean, dans la Floride orientale , qui ofFrent des situations très- analogues à celles où elle affecte de croître dans les Etats méridionaux. Le Quercus Ijrata n'est pas très- multiplié dans la Basse-Caroline et la Basse-Géorgie , ce qui fait que , jusqu'à présent^ il n'a été remarqué que desliabitans qui demeurent à proximité des lieux où il croît. Ils le connoissent sous les noms à^Over cup oak , Chêne à gland renfermé ; de Swamp post oak ^ Chêne à poteaux des swamps ou marais, et plus rarement sous celui de TVater 'white oak^ Chêne blanc d'eau. Les deux premières dénomi- nations sont assez bonnes; car l'une indique une particularité fort remarquable de cet arbre , qui
J' .f /iU.„:<- ,M
OUERCUS Wta
/^rv' r../ ^^./
^<v.;■ve'^ .
Q UER eus LY HATA. /| 3
est (l'avoir un gland entièrement renfermé dans sa cupule, et l'autre , une certaine analogie dans son feuillage avec le vrai Chêne à poteaux, Quercus obtu- siloba. Le premier de ces noms, que j'ai conservé , est plus usité dans la Caroline méridionale, et le second l'est davantage sur la rivière Savanah , en Géorgie.
Parmi les nombreuses espèces de Cliénes des Tàats- Unis, il n'en est aucune qui se trouve dans des situa- tions aussi humides que le Quercus Ijrata-^ car il croit exclusivement dans les grands marécages qui bordent les rivières, et où le sol bourbeux et très- profond est encore souvent inondé par les crues d'eau, qui ont lieu au printemps. On ne le trouve point , au contraire^ parmi les autres arbres qui viennent dans les marais longs et étroits, qui coupent en tous sens les pinières, parce que le terrein , quoi- que également noir et vaseux , est très peu profond, et repose sur une couche de sable quartzeux qui , à un pied de profondeur, est si peu mélangée déterre végétale, qu'elle est à peine productive. Mais, dans les immenses marais qui longent les rivières et qui sont presque impraticables les trois quarts de l'an- née , il y concourt avec le Cupressus disdcha , le Njssa microcarpa , le Njssa bijlora , 1" Ulmus ame- ricana^ X Ulmus alata^Xe Planera^ le Populus Caroli- niana^ \q Populus angulata^ le Juglans aquatica^ le Gleditsia monosperma ^ à former les forets téné- breuses qui les couvrent.
Le Quercus Ijrata parvient à une élévation con-
44 QUERGUS LYRATA.
sidërable et à un très-grand diamètre, car j'ai vu des individus, sur les bords de la rivière Savannah,qui avoient 8, lo et 12 pieds (3 mètres) de circonfé- rence, sur plus de 80 pieds (aS mètres) de hauteur. Les feuilles , longues de 6 à 8 pouces (^20 centimèt. ) , assez étroites, et, dans leur forme générale, comme lyrées, sont portées sur des pétioles très-courts. Elles sont lisses, à sinus ouverts et profonds. Chaque lobe, et surtout les deux supérieurs, sont comme tronqués à leur sommet ; configuration qui se retrouve , jusqu'à un certain point , dans les feuilles du Quercus obtusiloha , et qui lui a fait donner , par les habitans , le nom de Swamp post oak , Ghéne à poteaux des marais.
Le feuillage du Quercus lyrata est bien fourni ,
d'un vert clair et agréable; sa belle végétation se
ressent de l'extrême profondeur du sol sur lequel il
croît, ainsi que de l'humidité constante dont il est
abreuvé. Les glands des autres espèces de Chênes ont
le plus généralement la forme d'un ovale alongé ;
ceux du Quercus Ijrata en ont une tout opposée :
ils sont plus larges , arrondis , et comme déprimés à
leurs sommets. Ils ont quelquefois 12 à 18 lignes
(45 cent.) de diamètre, sur 6 à 10 lignes (20 cent.)
seulement de hauteur. Ils présentent encore un
caractère fort remarquable, c'est d'être complètement
renfermés dans la cupule, qui est comme hérissée de
pointes courtes et rudes, et qui , quoique peu épaisse,
ajoute encore à la grosseur totale du fruit.
Le tronc du Quercus Ijrataest revêtu d'une écorce
QUERCUS LYRATA. 4^
assez blanche. Son bois est plus compacte que ne sembleroit devoir l'être celui d'un arbre, qui vient dans des lieux aussi humides. Ses pores sont, par suite , moins ouverts et moins nombreux. Ils se trou- vent seulement dans les intermédiaires des couches concentriques, et sont disposés plus régulièrement que dans les autres arbres. Son bois , quoique infé- rieur en qualité à celui du Quercus alba et du Quercus ohtusiloba , est néanmoins assez estimé. C'est de tous les Chênes, qui croissent dans les lieux aquatiques, celui qui est le meilleur, et il a de plus l'avan- tage de parvenir à de très-grandes dimensions. Ce motif est assez puissant pour qu'on essaye de le pro- pager, au moins partiellement, dans les forets d'Eu- rope; et ce qui doit donner une presque certitude de sa réussite , c'est que les glands que j'ai envoyés en France, il y a plusieurs années, ont donné nais- sance à des individus qui , quoique plantés dans des terreins ordinaires et non humides, ont très-bien poussé , et n'ont pas souffert des froids qu'on éprouve dans les environs de Paris.
PLANCHE V.
Hameau^ représentant lesfauilles et le fruit de grandeurnaturdle.
QUERCUS PRINUS DISCOLOR,
SWAMP WHITE OAK.
QuERCV S fol lis ohlongo-obovatis , subtùs albo-tomentosîs ^ grosse denbatîs ^ basi integerrimis^dentibus inœqualibus dilaùaùis : fructibus longe pedunculaùs,
Q. Bicolor. WiLLD.
Dans toutes les parties des Etats-Unis , où existe cette espèce de Chêne , on lui donne le nom de Swamp white oak , Chêne blanc des marais ; déno- mination qui paroit assez convenable , puisqu'elle indique , d'une part , les localités oii cet arbre croît de préférence , et de l'autre , certains rapports qu'il a avec le Chêne blanc.
En me transportant du Nord au Midi , j'ai com- mencé à remarquer , pour la première fois, le Quercus prinus discolor dans les environs de Portsmouth , Etat de New-Hampshire. Mais, sous cette latitude, il y est moins commun que dans les Etats du milieu, ainsi que dans ceux qui sont situés au-delà des Monts-Alléghanys. Dans ces contrées, je l'ai observé plus particulièrement dans le Newr- Jersey , près de New -York; dans la Pensylvanie, sur les bords de la rivière Delaware ; en Virginie , sur ceux de la Susquehannah ; et au- delà des montagnes, sur ceux de l'Oliio, de la Ren- tucky et de la Holston , près de Rnoxville , dans ITst-Ténessée. Je l'ai encore vu sur les rives des lacs Champlain et Ontario. Il résulte donc de mes
/yy;
OUEllCUS P^^Ihscolor
QUERCUS PRINUS DISCOLOR. [^n
recherches, qu'à l'exception du district de Maine et de la partie basse et maritime des Etats méri- dionaux, cet arbre existe dans le reste des Etats- Unis; mais quoiqu'il se rencontre dans une grande étendue de pays, on ne peut cependant le regarder comme fort commun, comparativement à beaucoup d'autres espèces , car il ne vient que dans des situa- tions particulières , et non en plein bois , comme le Chêne noir y le Chêne blanc, etc. On ne le voit qu'autour des marais et dans les terreins bas qui sont constamment très-humides, et même exposés à élre momentanément submergés dans le cours de l'année. Ainsi, dans le New-Jersey, on le trouve toujours avec les espèces suivantes, qui , comme lui, deman- dent beaucoup d'humidité , savoir : le Quercus palustris , VAcer ruhrum, le Fraxinus discolor , le Nyssa microcarpa , et le Juglans squaniosa. Sur les rives du lac Champlain, qui offrent alternativement de pareilles situations , et notamment en quittant Skeenborough , il est mêlé parmi les Erables blancs, Acer eriocarpoji ^ qui forment la seconde ligne après les Saules qui occupent le bord de l'eau.
Le Quercus prinus discolor est un fort bel arbre , dont la végétation est vigoureuse et le feuillage bien fourni. Ses feuilles, considérées isol ément, lorsqu'elles ont acquis tout leur développement , ont de 6 à 8 pouces (20 centimèt.) de longueur sur 4 à (^12 cen.) de largeur vers leur sommet. Elles sont lisses, et d'un vert un peu sombre en-dessus , mais d'une teinte plus claire et très -sensiblement veloutées en -dessous.
48 QUERCUS PRINUS DISCOLOR.
Dans leurs deux-tiers supérieurs, elles sont élargies et garnies de dents peu nombreuses , mais assez fortes , tandis qu'elles en sont dépourvues à leur base, qui est cunéiforme. C'est par cette disposition cunéi- forme qui se dessine dans le tiers inférieur de leur lon- gueur, ainsi que par le velouté très-sensible au tou- cher, et beaucoup plus que dans aucune autre espèce analogue , que l'on pourra différencier cette espèce dans sa jeunesse. Dans les arbres qui ont déjà acquis une certaine force , la partie inférieure des feuilles devient d'un blanc argentin , ce qui produit un con- traste remarquable avec la teinte de leur partie supé- rieure , qui est d'un beau vert ; et c'est à cause de cette dissemblance que M. le révérend docteur Malhem- berg lui a donné le nom spécifique de Discolor^ que j'ai pensé ne pouvoir mieux faire que d'adopter.
Les glands duQuercus prinus discolor^ d'une teinte brune, de forme ovale et assez gros, sont contenus dans une cupule , portée ordinairement sur des pédicules d'environ i à 2 pouces (4 centimètres) de longueur. La cupule est évasée et bordée de filamens courts et déliés. Elle est veloutée intérieurement, et beaucoup plus sensiblement que dans aucune autre espèce que je connoisse. Ses glands sont doux , mais rarement abondans.
Le Quercus prinus discolor s'élève à plus de 70 pieds (23 mètres). Son tronc est revêtu d'une écorce d'un gris blanc, et comme lamelleuse. Lors- qu'il est débité, on remarque que l'aubier est d'une grande blancheur et le cœur d'une teinte brune
QUERCUS PRINUS DISCOLOR. ijg
assez foncée. Dans les arbres qui ont acquis plus (l'un pied (3ocentim.j de diamètre, le grain du bois est fin et assez serré , et ses pores sont pres- qu'entièremcnt oblitérés : enfin on lui a reconnu de la force , beaucoup d'élasticité et surtout la pro- priété de se fendre aisément et de droit fil. De plus il m'a paru aussi assez pesant et même plus que le Chêne blanc. Ces propriétés sont cause que , dans les Etats de l'Est , il est, après cette dernière espèce le plus estimé pour ses bonnes qualités, et, par suite , adapté aux mêmes usages. Je ne puis donc préciser autrement son emploi dans les arts • car quoique cet arbre se trouve dans une grande éten- due de pays, il n'a jamais été employé qu acciden- tellement, n'étant nulle part assez multiplié pour subvenir, à lui seul , pendant quelques années de suite aux besoins locaux.
A l'article du Quercus alba^ j'ai dit que cet ar- bre venoit en plein bois dans les terrains élevés et inégaux , mais souvent aussi dans les lieux frais et fort humides, que même il acquéroit, dans ces derniers sites , de plus grandes dimensions. Si donc on vient à faire des essais comparatifs sur les qua- lités des bois de ces deux espèces, dont l'une ne croit , pour ainsi dire , qu'accidentellement dans ces situations aquatiques , et l'autre y vient d'une manière exclusive , et que de ces expériences il ré- sulte, comme je le crois, que le bois du Quercus prinus discolor soit reconnu préférable , on devra dès-lors le regarder comme une espèce fort utile
7
5o QUERCUS PRINUS DISCOLOR.
et favoriser sa croissance aux dépens de celle de beaucoup d'autres sortes , tels que l'Erable ronge , le Ju^lans amara^le Carpinus virginiana ^ etc. qui viennent dans les mêmes lieux , et qui occuperoient le terrain d'une manière bien moins profitable pour la société.
Sous le rapport de son introduction dans les forets européennes , je pense que cet arbre offre assez d'intérêt pour y trouver place, soit en le mê- lant, soit en le substituant alternativement aux es- sences qui viennent dans les lieux très-liumides , tels que les frênes , les aunes et quelques espè- ces de peupliers. C'est d'ailleurs un arbre d'une très-belle apparence, qui ne peut que contribuera l'embellissement de nos forêts et des possessions des personnes qui seroient tentées de le cultiver.
PLANCHE VI.
Rameau représentant les feuillus et le fruit de grandeur naturelle.
OUERCUS P"M\iluslris
(jaSrie/ Je ■
QUERCUS PRINUS PALVSTRIS,
CHESNUT JVHITE OJK.
QuERcus folUs oblongo-ovalibus , acuminath acutuve , suhuniformiter dentatls : cupulà crateratà suhsqua- mosâ; glande ovatâ.
Q. Prinns. Willd.
C'est dans les environs de Philadelphie, à une distance moindre de dix milles de celle ville , que l'on commence à trouver cette espèce de Chêne. Mais elle est moins multipliée dans les forets, et elle n'y acquiert pas un aussi grand développement que dans les contrées qui sont plus au Midi, comme par exemple , dans la partie basse et maritime des deux Carolines , de la Géorgie et de la Floride orientale , où elle est plus commune que dans les autres Etats atlantiques. Les bords du Mississipi , très-semblables à ceux des rivières qui traversent les Etats que je viens de nommer, doivent aussi pro- bablement produire cet arbre.
Le Quercus prinus palustris^ peu commun dans la Pensylvanie,y est confondu avec le QuerciLS prinus monticola^ avec lequel il a assez de ressemblance ; ce qui fait qu'on lui donne le même nom, tandis que, dans la partie inférieure des Etats du Midi , où cette dernière espèce ne se trouve pas, celle que je décris y est désignée sous les diftcrens noms de Chesnut white oak, Chêne blanc châtaignier; de
52 QUE Pi eus PRINUS PALUS TRI S.
Swamp chesnut oah. Chêne châtaignier des marais; et le long de la rivière de Savannah , le plus souvent sous celui de TVhite oak^ Chêne blanc. Cette der- nière dénomination est assurément la moins con- venable, puisqu'elle tend à confondre le Quercus pj^inus palustris avec le véritable Chêne blanc , Quercus alba, ce qui confirme ce que j'ai dit en décrivant cette dernière espèce , qu'elle étoit fort rare dans cette partie des Etats-Unis, et insuffisante pour y faire face aux besoins économiques.
Le Quercus prinus palustris est paré d'un beau feuillage qu'il doit à la teinte de ses feuilles, qui sont d'un vert clair et agréable. Celles-ci, de forme obova- les, plus élargies vers leur sommet, et dentées profon- dément; sont lisses en-dessus, et blanchâtres à leur partie inférieure. Elles ont quelquefois 8 à 9 pouces ( 24 centimètres j dans leur longueur sur 4^5^12 cent. ) dans leurs deux tiers supérieurs.
Les glands , contenus dans une cupule écailleuse et peu profonde, sont ovales, de couleur brune, et plus volumineux que ceux d'aucune autre espèce de Chêne des Etats-Unis, après ceux du Quercus macro^ carpa. Ils ont une saveur douce, et sont quelquefois assez abondans , ce qui les fait très rechercher par les animaux sauvages et domestiques , tels que les cerfs , les vaches, les chevaux et les cochons»
Le Quercus prinus palustris , comme le Quercus lyrata^ croît exclusivement dans les marais qui bor- dent les rivières, ou dans ceux d'une grande étendue qui sont enclavés au milieu des bois; avec cette dif-
queucus prinus palustp. is. !j3
férencc ccpcn(laiit,qu'il ne vient que dans les endroits rarement exposés à être submergés, et seulement dans ceux dont le sol est meuble, profond, très-fertile et toujours maintenu dans un état de fraîcheur.
Dans les Carolines et la Géorgie, VUlmus ame- ricana ^ XUlinus alata^ \q Magnolia ^randijloraj le Magnolia iripetala, YHopea tinctoria , le l'Vigus sjlvatica y le Liriodendron tulipifera, le Ju^lans porcina et YOlea ainericana , sont les espèces avec lesquelles on le trouve le plus habituelle- ment. Dans de pareilles situations , cet arbre parvient , sous cette latitude, à son plus grand développe- ment, car il acquiert de 80 à go pieds (26 mètres) sur un diamètre proportionné à cette haute éléva- tion. Il se fait remarquer surtout par son tronc, qui est parfaitement droit, dégarni de branches, con- servant le même diamètre jusqu'à 5o pieds (^16 mè- tres j de terre , et se terminant par un sommet très- vaste et très-toufi\i ; aussi , le Qiierciis prinus palus- tris mérite- t- il d'être placé au premier rang des arbres les plus beaux et les plus majestueux de l'Amérique septentrionale.
Son bois se ressent de la nature riche et féconde du sol où il croit ; car ses pores, quoique obli térés, présen- tent plus de vides que ceux des Quercus ohtusiloha^ Quercus alba et même Quejxus lyrata , ce qui fait qu'il est d'une qualité inférieure. Cependant, comme il est proportionnellement plus abondant dans ces contrées, et que, d'une autre part, il esttrès-préiérable
à celui de beaucoup d'autres espèces , il est fort
54 QUERCUS PRINUS PALUSTRIS.
employé pour le charronage et pour d'autres usages économiques , qui requièrent de la force et de là durée. Les nègres ont coutume d'en faire des paniers et des balais , parce qu'il se fend bien de droit fil , et qu'il peut se diviser en lanières très-minces. Mais il est rare qu'on en fasse du merrain pour les bar- riques destinées à contenir ou des vins ou des liqueurs spiritueusesj car, comme je l'ai dit, ses pores très ouverts', en absorberoient une très- grande quantité. Débité pour barres de clôture des champs cultivés, il dure 12 à i5 ans, ou un tiers de plus que celles qui sont faites en Chêne saule ou aquatique, A Augusta, c'est le bois le plus estimé pour le chauffage; il s'y vend sur le pied de 2 à 3 dollars (^10 à i5 francs j la corde.
Le Quercus prinus palustris supporte très -bien les froids que nous éprouvons dans les environs de Paris, mais sa végétation seroit encore plus accélérée dans nos départemens méridionaux. Il est néanmoins fâcheux qu'un si bel arbre , et si bien fait pour contri- buer à l'embellissement des forets de l'Empire par son port magnifique, ne réunisse que des qualités se- condaires , qui ne permettront de l'y admettre que d'une manière partielle; et il est à craindre que, par la suite , il ne retombe dans le domaine des amateurs de cultures étrangères.
PLANCHE VIL
Rameau représentant les feuilles et le fruit de grandeur naturelle.
J'IS.
^UEllCUS P,"^iioiiticola.
■^■v v-v ^-v'*'-»' »-'»'^ "»•■*■ '^■»''*"*'""
QUERCUS PRINUS MONTICOLA.
ROCK CHESNUT O A K.
QuERCUS foliis ohoi^atis acutis grosse dentatis , denùhus subœqualihus ; fructu majusculo , cupulà turbinatà , scabrosà ; glande oblongâ.
Q. Montana. "WiLLD.
Cette espèce de Chêne est du nombre de celles qui ne sont pas généralement répandues dans les forets, mais qui, croissant seulement dans des si- tuations particulières , échappent plus facilement aux recherches de l'observateur. C'est ce qui fait qu'il m'est plus difficile d'assigner avec autant d'exac- titude le commencement de l'apparition vers le nord du Quercus prinus inonticola. Je ne crois pas cepen- dant que, dans cette direction, il se trouve beaucoup au-delà de l'Etat de Vermont, et au nord-est, passé le New-Hampshire : je ne fai jamais vu dans le district de Maine, ni à la Nouvelle-Ecosse. Mon père n'en fait pas non plus mention dans ses notes bota- niques sur le Bas-Canada. Cet arbre est également étranger à la partie basse et maritime des Etats mé- ridionaux. Il résulte donc de mes observations, que c'est dans les Etats du centre et dans une partie de ceux du nord, qu'on le rencontre le plus souvent; mais on ne le voit que bien rarement mêlé avec les autres arbres dans les forets, croissant seulement dans des endroits très-élevés, dont le sol est cou- vert de rochers ou très-pierreux. Ainsi, on observée
56 QUERCUS PRINUS MOTnTICOLA.
fréquemment le Quercus prinus monticola sur les bords escarpés et rocailleux de la rivière Hudson, et sur les rives du lac Champlain. Cependant il est encore plus abondant dans la Pensylvanie et la Virginie , sur quelques-uns des ridges ou sillons pa- rallèles, qui font partie des monts x^lléghanys, et dont la surface est presque totalement couverte de pierres. Sur quelques-uns de ces ridges ou hautes collines, il forme à lui seul les neuf dixièmes des ar- bres qui garnissent leur sommet 5 mais la mauvaise qualité du sol fait que les individus y sont clair- semés, et que leur hauteur n'excède pas 20 à 25 pieds ( 8 met. 1 , sur 8 à i o pouces de diamètre ( 25 centim. ) J'ai particulièrement fait cette observation sur le Dry ridge, la Colline sèche, à i5 milles au-delà de Bedford. C. H.
Dans cette partie de la Pensylvanie, ainsi que dans le Maryland et la Virginie, le Quercus prinus monticola est connu sous le seul nom de Chesnut oak^ Chêne châtaignier, tandis que le long de la rivière Hudson, et sur les rives du lac Champlain, ce qui comprend, à partir de New-York, un espace de plus de 400 milles, il l'est sous celui de Rockj oak^ Chêne des rochers. Ces deux dénomina- tions sont assez bonnes ; car la première indique une ressemblance remarquable , qui existe entre l'écorce de cet arbre et celle du châtaignier; et la seconde désigne les endroits oii il se trouve, je pourrois dire presque exclusivement. Déterminé par ces deux motifs, et considérant en outre que la
QUERCUS PRINUS MONTICOLA. 5t
première dénomination pourroit donner lieu à quel- ques méprises avec Tespèce précédemment décrite, et même avec la suivante, qui se trouvent toutes deux aussi dans la Virginie, j'ai pensé qu'il étoit convenable de réunir ces deux dénominations, et je lui ai donné le nom de Chesnut rockj oak^ Chêne châtaignier des rochers.
Le Querciis prinus monticola est un arbre d'une belle apparence, toutes les fois qu'il se rencontre dans un assez bon terrain ; il la doit autant à sa forme qu'à son feuillage bien fourni. Ses feuilles ^ ont de 5 à 6 pouces (^ i5 centimètres) , en longueur sur 3 à 4 ( I o centimètres J en largeur; elles sont de forme ovale , très-uniformément dentées dans leur contour, et d'une manière plus régulière que celles du Quer eus prinus palustris , avec cette différence cependant que les dents sont moins aiguës, je dirai même , arrondies à leur sommet. Lors de leur dé- veloppement, au sortir de l'hiver, elles sont très- velues; mais après avoir acquis toute leur grandeur, elles sont parfaitement lisses, blanchâtres en-dessous, et d'une texture assez fine. J'ai encore remarqué que le pétiole est toujours jaunâtre, couleur qui se pro- nonce davantage , à mesure qu'on avance vers l'au- tomne.
Lesglands, contenus jusqu'au tiers de leur longueur dans des cupules évasées et à écailles libres , sont ovales alongés et ont quelquefois jusqu'à un pouce ( 3 centim. j de longueur. Ils sont d'une teinte brune et d'une saveur douce, ce qui les fait très- II. 8
58 QUEaCUS PRINUS MONTICOLA.
rechercher des bétes fauves et des animaux domes- tiques.
Le Chéiie châtaignier des rochers s'élève à plus de 60 pieds [20 mètres ) et il acquiert quelquefois 3 pieds (i mètre j de diamètre; mais , le plus sou- vent, il reste au-dessous de ces dimensions, parce que d'une part , il se ressent de la pauvreté du sol sur lequel il croît le plus ordinairement, et que, de l'autre , exposé à l'action des vents dans les situations très-ëlevées et très découvertes qu'il occupe, ses bran- ches, comme celles de tous les arbres qui sont isolés , s étendent beaucoup latéralement et forment la tête du pommier.
Le^ tronc des vieux Quercus priniis monticola^ mémede ceux qui ont moins d'un pied (3o cent. ) de diamètre , est toujours revêtu d'une jécorce épaisse , dure et sillonnée très-profondément. A New^-York ainsi que dans la Pensylvanie ,près des Alléghanys , l'écorce de ce Chêne est la plus prisée pour le tan- nage des cuirs ; mais on n'emploie que celle des branches secondaires , ou des arbres qui ont moins de 6 pouces (^i 5 centim. j, d'épaisseur quoique l'é- piderme en soit déjà fort épais ; car l'expérience a appris que, dans cet arbre, la partie morte de l'écorce conserve une assez grande quantité de principe ta- nin , lequel , dans les autres espèces , ne se trouve que dans le tissu cellulaire de la partie vive de l'écorce. Elle se vend à New-York séparément , et à raison de 10 à 12 dollars, (5o à 60 francs j la corde.
QUERCUS PRINUS MOiM'ICOLA. 5r)
Le bois du Quercus prinus mojilicola est rou- geâtre comme celui du Quercus alba ^ mais il est plus pesant; et de deux morceaux d'égal volume que j'ai mis dans l'eau, celui du (Jiéne que je d<î- cris a toujours été à fond, tandis que l'autre a constamment surnagé : cependant ses pores sont plus ouverts et seulement en partie oblitérés , c'est pour cela qu'on n'en fait pas du merrain pour les tonneaux des liqueurs sipiritueuses.
A New- York et tout le long de la rivière du Nord, son bois est , après celui du Chêne blanc, le plus estimé pour la construction des navires : aussi, s'en sert-on fréquemment pour la charpente infé- rieure et iplus souvent encore pour les genoux et les varangues , parce que les pièces courbes qui y sont propres, sont devenues très-rares en Chêne blanc , au lieu que le Chêne châtaignier des ro- chers , battu par les vents , en fournit une bien plus grande quantité.
Comme bois de chauffage , il est le plus appré- cié à New-York après celui de THickery ; et sa supériorité, sous ce rapport, sur toute autre espèce de Chêne des Etats-Unis , ( le Chêne vert excepté), ' m'a été confirmée dans plusieurs forges,et notamment dans celles qui sont situées au pied de North nioun- tain ^ la montagne du Nord, éloignée de 200 milles de Philadelphie.
Un arbre qui , comme celui-ci , affecte de croître dans des terreins pierreux et le plus sou- vent inhabitables à cause de leur escarpement,
6o QUERCUS PRINUS MONTICOLA.
dont l'ëcorce est reconnue d'une qualité supé- rieure dans un art important , dont le bois peut être employé avec avantage dans différens genres de construction, et qui fournit un excellent combus- tible mérite de fixer l'attention des forestiers amé- ricains. Ils doivent chercher à le multiplier, en faisant planter des glands dans lesanfractuosités des rochers, et partout où le sol ne peut être mis en culture. Ces mêmes considérations me paroissent assez importan- tes, pour qu'on le propage en Europe,dans les endroits analogues à ceux où il croit de préférence en Amé- rique ; non pas que ceux que j'ai indiqués soient absolument nécessaires à son existence , car les plus beaux individus que j'aie vus, étoient isolés, ou comme perdus dans les forêts, au milieu des autres arbres qui les composent.
Le Qiiej^cus prinus monticolaréussit très-bien dans les environs de Paris où il en existe des milliers de jeunes plants , tant dans les pépinières de l'adminis- tration impériale des forêts , que dans les jardins de l'Empereur , et qui sont les résultats des envois que j'ai faits pendant mon séjour dans les Etats-Unis. La vigueur de leur végétation et la beauté de leur feuillage, les y font toujours remarquer avec intérêt.
PLANCHE VIIL
Hameau représentant les feuilles et le fruit de grandeur naturelle.
/'.r/i,.,/.,,,/^ ,/,./f
i!a/>,ve/ ,l'c .
OUKRCrS P."^^cunmlata
QUERCUS PRINUS ACUMINATA.
YELLOfV OAK.
Q^UEncvsyblîis longé petiolatis , acuminatis y suhceqiialiler dentatis ^ jructu mediocri : cupulci subhemisphœricd,
Q. Castanca. Wu-ld.
Les bords de la rivière Delaware, dans la Pensyl- vanie , peuvent être considères , au Nord-Est, comme les limites au-delà desquelles on ne trouve plus cette espèce de Chêne. On pourroit presque dire qu'elle n existe pas non plus dans la partie maritime des Etats méridionaux; elle y est du moins si rare, que je n'en ai vu que quelques individus sur les bords de la rivière Savannah , près de Two-Sister- Ferry , dans la Géorgie ; et un seul pied sur celle de Cap Fear, à un mille de Fayetteville , dans la Caroline du Nord. Quoique le Quercus prinus acuniinata soit plus ré- pandu dans les Etats du milieu et de l'Ouest , il est encore fort peu commun comparativement à beau- coup d'autres espèces d'arbres, et l'on peut voyager des journées entières , sans en apercevoir un seul individu. J'indiquerai cependant les bords de la petite rivière de Conestoga , qui coule près de Lan- caster, dans laPensylvanie ; ceux de la Monongahela un peu au-dessus de Pittsburg , et enfin quelques petits cantons très-rapprochés des rivières Holston et Nolachuky , dans l'Est-Ténessée , comme les en- droits où je l'ai le plus ])articulièrement observe- Dans sa Monographie des Chênes d'Amérique, mon
6'2 QUERCUS PRTNUS ACUMINATA.
père en fait mention comme existant dans le pays des Illinois.
Aux environs de Lancaster, on donne à cet arbre le nom de Yellow oak^ Chêne jaune, à cause de la teinte jaunâtre de son bois ; mais dans les autres parties des Etats-Unis, il n'a reçu aucune dénomi- nation particulière, parce que, comme on vient de le voir , il y est si peu multiplié qu'il n'a pas jusqu'à présent, attiré l'attention deshabitans, qui le confondent avec le Quercus prinus palustris ou le Quej^cus prinus monticola^ avec lesquels il a par ses feuilles, une certaine conformité.
Le Quercus prinus aciuninata est un fort grand arbre, d'une belle venue, et dont les branches m'ont paru avoir plutôt une tendance à se rappro- cher du centre, qu'à s'en éloigner, en prenant une direction horizontale. Ses feuilles , longues de 6 à 8 pouces (20 centimètres), de forme lanceolato-acumi- née , sont dentées très-uniformément dans leur con- tour; elles sont d'un vert clair à leur partie supé- rieure, et blanchâtres en-dessous. Les glands, con- tenus dans une cupule peu écailleuse, sont petits et de couleur brune; ils sont plus doux que ceux d'au- cune autre espèce de Chêne des Etats-Unis.
Cet arbre , que j'ai toujours rencontré dans des vallons, dont la terre étoit meuble et très- fertile , s'élève de 70 à 80 pieds (60 mètres) sur environ 2 pieds (60 centim. ) de diamètre. Son tronc est revêtu d'une écorce blanchâtre et peu crevassée , qui se di- vise souvent en feuillets , comme celle du Quercus
QUERCUS PRINUS ACUMINATA. 63
prinus discolor. Lorsqu'il est débité, on remarque, comme j'en ai déjà fait l'observation, et surtout dans les vieux sujets, que le bois a une teinte jaunâtre. Cette couleur, cependant, n'est pas assez prononcée pour le faire employer de préférence à aucun usage particulier. En examinant sa texture , j'ai trouvé que les pores sont en partie oblitérés, disposés très-irré- gulièrement et beaucoup plus nombreux que dans tous les autres Chênes que j'ai observés en Amérique. Cette disposition organique doit nécessairement atté- nuer la force du bois , et le rendre moins durable que celui du Quercux priniix paluMt.rix et du Qiiercus prinus monticola.
Le Quercus prinus acuminata se trouvant dis- séminé dans une étendue de pays si considérable, on ne s'étonnera pas que je n'aie trouvé personne qui ait mis son bois en œuvre, et qui m'ait ainsi fourni l'occasion d'apprécier ses qualités. Je ne puis donc en parler sous ce rapport; mais je l'indiquerai comme pouvant augmenter la série intéressante des espèces d'arbres étrangers que nous possédons en Europe, et comme susceptible de contribuer à l'embellissement des jardins pittoresques, par son port agréable et le bel effet de son feuillage.
PLANCHE IX.
Rameau représentant les feuilles et le fruit de grandeur naturelle.
QUERCUS PRINUS CH IN CAPIN,
SMALL C HE S IV UT OAK.
Qu ERcv S Jbl il S obovatis grosse dentatis , suhtùs glaucis y cupulà hemisphcericâ , glande ouata.
Q. Prinoides , Willd.
Dans les Etats du nord et du milieu, on donne à cette jolie petite espèce , le nom de Small or dwarj chesnut oak. Chêne châtaignier-nain , à cause de la ressemblance de sou feuillage avec celui du Quercus prinus monticola. Les feuilles ont aussi assez d'ana* logie avec celles àw. Fagus chincapin ; et c'est pour cette raison que dans l'Est -Ténessée, et dans les Hautes Carolines, près des montagnes, on la désigne sous celui de Chêne cJiincapin. Cette dernière dé- nomination que j'avois adoptée, lors de mon pre- mier travail , dans le tableau général qui est à la tête de cet ouvrage, m'a paru , par suite de réflexions ultérieures , moins convenable que la première , à laquelle je crois définitivement devoir m'arréter, et que je regarde comme devant désormais être consi- dérée comme fixe. Je vais rendre compte des motifs de ce changement. D'abord le nom de Chêne chin- capin est entièrement étranger à la moitié des pays où cette espèce croit le plus abondamment ; et, en second lieu , celui de Chêne châtaignier-nain, quoi- que moins usité dans les Etats du midi, ne peut tarder à être compris par tous les habitaiis qui pos-
/'/ w
A-....,, ./,..■
OUKUriT.S P."%li„uapia
QUERCUS PRIN U S CHINCAPIN. 6j
sèdent également, dans leurs forets, les deux espèces de Chêne châtaignier précédemment décrites.
Cette espèce de Chêne n'est point ordinairement disséminée dans les forets, comme le sont beaucoup d'arbres et d'arbustes : il est très-rare, au contraire, de la rencontrer dans un grand nombre d'endroits où elle viendroit très-bien , et le plus souvent on ne la trouve que par cantons. Alors seule, ou entremêlée avec le Quercus hanisteri , elle couvre des espaces plus ou moins considérables, qui quelquefois excè- dent 100 arpens (5o hect.}. L'existence de ces deux es- pèces est toujours un signe assez certain de la stérilité du sol. Les endroits suivans sont ceux où j'ai le plus particulièrement observé le Chêne châtaignier nain: les environs de la ville de New -Providence , dans l'Etat de Rhode-Island ^ ceux d'Albany , dans l'Etat de New- York; danslaVirginie,surlesmontSx'\lléghanys; et dans l'est Ténessée , près de Rnoxville. Je l'ai retrouvé encore aux portes mêmes de Philadelphie, dans le parc de M. W. Hamilton, où il croit spon- tanément.
Cette espèce , et une autre qui vient au milieu des landes dans les Etats méridionaux, sont, de toutes les espèces de Chêne des Etats-Unis , celles qui s'élèvent le moins; car elles n'excèdent pas or- dinairement 24 à 3o pouces de hauteur ( Q^ centi- mètres j. Peut-être même, par ce motif, n'en aurois- je pas fait mention , si je n'eusse pensé qu'il seroit agréable d'avoir la description complète de ce genre II. 9
66 QUERCUS PRINUS CHINCAPIN.
d'arbre si utile, sous tant de rapports, et qui offre des ressources si étendues , aux arts et au commerce.
Les feuilles du Chêne châtaignier nain sontovales- acuminées, d'un vert clair en-dessus, et pâle en-des- sous; elles sont dentées assez régulièrement, mais avec des découpures peu profondes. Les glands, contenus jusqu'au tiers de leur longueur dans des cupules écailleuses et sessiles , sont de moyenne grosseur, un peu alongés et également arrondis à leurs deux extrémités ; ils sont très-doux au goût.
Il semble que la nature ait voulu compenser la petitesse de ce Chêne par une fructification très-abon- dante ; elle est souvent telle, que les glands, pressés et serrés les uns contre les autres sur les tiges, les font courber jusqu'à terre, où elles restent couchées dans toute leur longueur; mais il faut dire que, quelquefois, ces tiges ont àpeine la grosseur d'une plume ordinaire.
Sifexiguité de cette espèce la rend impropre, même au chauffage, peut-être pourroit-on en tirer parti sous le rapport de l'abondance extrême de sa fructifica- tion. Surtout , si on le réunissoit au Quercus banis- teri^ qui ne s'élève guère plus haut, et qui offre le même avantage quant à sa fructification.
PLANCHE X.
Rameau représentant les feuilles et les glands de grandeur naturelle.
N.ji.
M J. Redouté Jc-Z^
û.zirœlJcr
OUEllCUS vireiis
QUERCUS riRENs.
LITE OAK.
QuEiicus foliis perennantîbus y coriaceis , ovato-ohlongis , juniorihus dentatis , vetusdoribus integris ; cupula tur- binata j squamulis abbreviatis\ glande oblonga.
Cette espèce de Cliéne, qui appartient exclusive- ment à la partie maritime des Etats méridionaux , des deux Florides , et de la Basse-Louisiane , est connue dans tous ces pays , sous le seul nom de Live- oak^ Chêne vert. Les environs de Norfolk, dans la Bas^e-Virginie, peuvent être considérés , vers le nord, comme jouissant déjà d'une température assez modé- rée, pour que cet arbre puisse y croître naturellement, encore qu'il y soit moins multiplié et que sa végé- tation n'y soit pas aussi vigoureuse que dans les contrées, qui sont plus aumidi.LeChêne vert, particu- lier au rivage de la mer, s'observe, à partir de l'endroit que j'ai indiqué en Virginie, jusqu'au-delà de l'em- bouchure du Mississipi ; ce qui comprend une éten- due fort considérable, et qui excède plus de 5 à 6oa lieues (25oo kilom. ) L'influence de l'air de la mer paroit essentiellement nécessaire à son existence \, car , sur le continent , on ne le voit que bien rare- ment faire partie des forets , même à une très-petite distance , dans l'intérieur, qui ne s'étend pas au-delà de i5 ou ao milles.
63 QUERCUS VIRENS.
C'est principalementsurles lies nombreuses etassez fertiles qui bordent les côtes , pendant plusieurs cen- taines de milles , ainsi que sur la grande terre au bord des lagons , autour des anses et le long des criques, que le Chêne vert est le plus abondant, qu'il acquiert son plus grand développement , et que son bois est de meilleure qualité. Les îles de St. Simon, de Gumberland , de Sapelo , et quelques autres qui se trouvent entre les embouchures des rivières St. Jean et Sainte-Marie, sont celles où j'ai observé plus particulièrement cet arbre, dans le cours d'une navigation de plus de i5o lieues ( 700 kilom. ) que je fis, en pirogue, sur les lagons, à partir du cap Canaveral dans la Floride orientale, jusqu'à Savannali en Géorgie. Dans ce voyage , j'en vis sou- vent qui se trouvoient immédiatement sur la plage, et d'autres qui étoient à moitié ensevelis dans les sables des dunes, et qui , quoique dans un sol sa- blonneux et mouvant, conservoient une belle ver- dure et une apparence de végétation vigoureuse , résistant ainsi pendant des laps de temps considé- rables, en hiver aux furies des tempêtes , et en été, à l'ardeur d'un soleil brûlant. La hauteur totale la plus ordinaire du Chêne vert est d'environ 40 à 4^ pieds ( i5 mètres ), sur i à 2 pieds (5o centim. ) de dia- mètre. Ce n'est pas qu'il ne vienne beaucoup plus gros ; car monsieur S. , président de la société d'a- griculture de Charleston S. C, m'a dit en avoir fait abattre un, qui avoit 24 pieds ( 8 mètres ) de cir- conférence; il est vrai que cet individu étoit creux
QUERCUS VIRENS. ^ Cq
intérieurement. Comme tous les arbres qui croissent isolément, cet arbre a un sommet très-élargiet Irès- toufFu , qui repose sur une tige haute de i8 à 20 pieds Ç 6 mètres ) , mais qui le plus souvent , se partage en plusieurs branches , à la moitié de cette élé- vation ; de sorte que , vu dans l'éloignement , son as- pect ne ressemble pas mal à celui d'un vieux pom- mier ou plutôt d'un vieux poirier. Ses feuilles con- sidérées séparément sont de forme ovale, coriaces , d'un vert foncé en-dessus et blanchâtres en-dessous. Elles restent plusieurs années sans tomber, et ne se succèdent que partiellement les unes aux autres. On remarque encore que , sur un grand nombre d'ar- bres qui ont été plantés dans des habitations , ou qui croissent dans des terreins assez frais , les feuil- les sont de moitié plus grandes, et que beaucoup d'entre elles sont dentées. Elles le sont, au contraire, jn'esque toutes, et d'une manière très-prononcée, dans les plants de deux ou trois ans.
Les glands du chêne vert , contenus dans des cu- pules pédiculées , peu profondes et de couleur gri- sâtre, ont une forme ovale -alongée , et sont presque noirs. On assure que les Indiens en tiroient autrefois, par expression , une huile qu'ils méloient à leurs ali- mens; peut-être même les mangeoient-ils , car, sans être agréables au goût, ils n'ont pas une saveur âpre et amère, comme ceux de beaucoup d'autres espèces. Dans certaines années, ils sont fort abondans. Ils germent avec une telle facilité , que , lorsqu'il vient à pleuvoir, à l'époque de leur maturité, peu de temps
no QUERCUS VIEENS.
après on en trouve beaucoup sur ces arbres, dont la radicule est déjà développée.
Le tronc du Chêne vert est couvert d'une écorce noirâtre , dure et assez épaisse. Lorsqu'il est dé bité , on trouve que son bois a une teinte jaunâtre , plus prononcée dans les vieux arbres 5 qu'il est fort pesant et très-compacte ; que son tissu est très -fin , très-serré et que ses couches annuelles ou concentriques sont très-rapprochées ; ce qui annonce évidemment la len- teur de sa croissance , et combien de temps il faut attendre pour qu'on puisse en tirer parti. Doué de beaucoup de force , et incomparablement plus du- rable que le meilleur Chêne blanc, il est, à juste titre, très-estimé pour les constructions navales , et sous ce rapport il est fort recherché non-seulement dans les pays où il croît, mais encore dans tous les ports des Etats du Nord, où il est continuellement im- porté pour cet objet, et où il s'en consomme propor- tionnellement une bien plus grande quantité que dans les Etats méridionaux. Sa longue durée, lors- qu'il est bien sec, le fait employer presque exclusi- vement pour la charpente supérieure ; mais, à cause de sa grande pesanteur, on est obligé d'intercaler des morceaux de même diamètre en Cèdre rouge , dont le bois, d'une extrême légèreté, résiste aussi bien aux alternatives de la sécheresse et de l'humidité.
Le peu d'élévation du tronc du Chêne vert, et son diamètre , souvent peu considérable , ne permettent pas d^en tirer de grandes pièces de charpente ; mais sa cime très-branchue et très- étendue , compense , en
QUERCUSVIRENS. 7!
partie,ce désavantage, parce qu'elle fournit beaucoup d'excellens genoux, pièces , comme on sait, très-pré- cieuses, et dont on n'a jamais assez dans les grands chantiers de constructions maritimes.
Les navires qui se construisent à Philadelphie et à New-York, et dont la charpente supérieure est en Chêne vert et en Cèdre rouge , et l'inférieure en bon Chêne blanc, sont tout aussi durables que ceux qui sont faits en Europe avec les matériaux de pre- mière qualité. Brekel, que j'ai déjà cité, dit que les meilleures gournables sont en Chêne vert. Actuelle- ment on ne s'en sert plus dans les ports de mer des Etats méridionaux j mais on y emploie pour cet usage le cœur du Piniis australis.
Dans le midi des Etats-Unis, et notamment à Charleston et à Savannah, les charrons font les jantes et les moyeux des grosses voitures en Chêne vert ; et , sous ce rapport,il est bien préférable au Chêne blanc, dontle principal défaut est de se fendre très-prompte- ment de tous côtés , et de former des écartemens d'un quart de pouce de diamètre ; il est aussi beaucoup plus propre à faire les dents d'engrenage des roues de moulin et les machines à vis. Je ne doute pas , non plus, qu'il ne convint très-bien pour faire de grosses vis de pressoir.
Son écorce est excellente pour le tannage des cuirs , étant très-riche en principe tanin ; mais on ne s'en sert qu'accidentellement, et aucun tanneur, même dans les pays oh. il croît, ne l'emploie habituellement.
La consommation qui se fait dans les Etats-Unis
^2 QUERCUSVIRENS.
du bois de Chêne vertpour les constructions navales , indépendamment de ce qui en est exporté pour le même usage en Angleterre , est très considérable , principalement dans les ports de Baltimore , de Phi- ladelphie , de New- York et de Boston ; et cette con- sommation a été plus que triplée depuis vingt ans , à cause de la grande activité commerciale qui a eu lieu dans ce court période. Il en est résulté , d'une part, une double augmentation dans le prix de cette sorte de bois , et de l'autre , une diminution très- sensible de cette espèce de Chêne, dont l'existence, indépendamment d'une croissance très- lente, est limitée au littoral de l'Océan. Le défrichement des lies où il se trouvoit en abondance, pour y établir la culture du coton qui y vient d'une qualité su- périeure, peut encore avoir contribué pour beau- coup à la destruction du Chêne vert, dont on ne peut plus se procurer que très-difficilement de grandes pièces dans les limites des Etats méridionaux; ce qui fait que, depuis plusieurs années, on va en chercher sur les côtes de la Floride orientale , et notamment entre la rivière Sainte-Marie et la rivière Saint- Jean; car, au-delà de Saint- Augustin , jusqu'au cap de la Floride, il s'en trouve fort peu. On dit que Ja côte de la Floride occidentale en est bien pourvue, et que les Anglais des îles Bahama y vont s'en appro- visionner. 11 est probable que ces coupes clandes- tines ne seront plus tolérées, actuellement que cette province est passée sous la domination des Etats-Unis. Le Chêne vert étant un des arbres dont il est le
QUERCUSVIRENS. ^3
plus difTicilc d'opérer la reproduction , tant à cause des localités, qu'à cause de la lenteur de sa végéta- tion, je ne puis m'empécher de regarder sa dispari- tion , comme à peu près certaine dans tous les Etats- Unis , d'ici à cinquante ans. Il en sera donc de cette espèce comme de son analogue, lé Quercus ilex^ qui garnissoit autrefois les côtes méridionales de la France , de l'Espagne et de l'Italie. Comme lui , on ne le trouvera plus que sous la forme de cépée et de buisson , seulement propre au chauf- fage ou à d'autres usages qui ne requièrent que l'em- ploi de morceaux très-peu volumineux. Le chêne vert seroit une acquisition infiniment précieuse pour la partie maritime des départemens méridionaux de l'Empire, et de ceux du royaume d'Italie, oii sa réus- site peut d'avance être considérée comme certaine , si on tente jamais de l'y introduire.
PLANCHE IL
Rameau représentant les feuilles et les glands de grandeur naturelle.
II. 10
QUERCUS PHELLOS.
WILLOW OAK.
Q u E R c u sfoliis lineari-lanceolatis , integerrimis^ glabris , api'ce seCaceo-acuminatis ,Junïoribus dentatis lobabisi^e; cupulâ scutellatây glande subrotundâ , minimâ.
Cette espèce , très-remarquable par son feuillage, commence à se trouver , en allant du nord au midi, dans les environs de Philadelphie ; mais elle y est moins multipliée, et n'y acquiert pas un aussi grand développement que dans les États situes plus au sud , tels que la Virginie , les deux Carolines et la Géorgie , où la température moins rigoureuse qu'on y éprouve en hiver , paroît évidemment avoir une influence favorable sur sa végétation. Ce n'est ce- pendant que dans la partie maritime des Etats mé- ridionaux , qu'on remarque le Quercus phellos 5 il semble , au contraire, étranger à l'intérieur de ces mêmes états , dont le sol est montueux et la tem- pérature plus froide. On doit, selon toute appa- rence , le trouver dans la Basse-Louisiane qui a beaucoup de rapports, par le climat et la nature du sol , avec la partie basse des Etats dont nous venons de parler. Je ne l'ai point observé au-delà des monts Alléghanys, dans ceux du Rentucky et du Ténessée.
Le Quercus phellos croit ordinairement dans les terreins très-frais et même humides ; et , réuni au Njssa aquatica au Magnolia glaucuj à l'Acer ru-
//. rn,.,/ou/c .A'/
/L'^:.7^y
(^)VK11C1 s phcllos
Q U E R C U s P II E L L O s. 7 J
bruin^ an Laurus caroliniensis, atSiU Quercus aqua- iica^ il garnit les marais si nombreux qui cxislciu dans la partie maritime des Etats méridionaux. Dans ces sortes de situations qui sont , comme je viens de le dire, celles qui lui conviennent da- vantage, il s'élève à 5o et 60 pieds (20 mètres) , sur 20 à 24 pouces ( 60 centim. ) de diamètre. Le tronc , même dans les vieux arbres , est couvert d'une écorce unie, ou à peine crevassée, et dont le tissu cellulaire est fort épais. Les feuilles lisses, entières, étroites et longues , de 2 à 3 pouces ( 7 centimètres), sont d'un vert clair et d'une texture assez fine. Leur forme , qui a une certaine ressem- blance avec celle des feuilles du saule , lui a fait donner le nom FTillow nakj, Chêne saule, le seul qu'il porte dans toutes les parties de l'Amérique sep- tentrionale où il se trouve.
Je viens de dire que le Chêne saule se rencontroit rarement autre part que dans les lieux très-humides. Cette assertion supposoit des exceptions. En effet , par une de ces causes dont il est assez difficile de rendre compte, on le trouve quelquefois près de la mer, au milieu des Chênes verts, dans des terrains très-secs et très-sablonneux. Alors, il a de loin tout l'aspect de cette dernière espèce y tant par sa forme ^ que par son feuillage qu'il conserve vert plusieurs^ années de suite ; mais, examiné de près, on le re- connoît bientôt à ses feuilles,, qui sont plus courtes et beaucoup plus étroites , ainsi qu'à la texture de son bois, qui est très-poreux.
^6 QUERCUS PHELLOS.
Les glands du Chêne saule, rarement abondans, sont contenus dans une cupule peu profonde et lé- gèrement écailleuse ; ils sont petits , arrondis , de couleur brun-foncë et fort amers. Quand on les tient dans un endroit frais, ils peuvent, sans pousser, conserver leur faculté germinative pendant plusieurs mois.
Le bois du Quercus phellos est rougeâtre , le grain en est grossier et les pores en sont très-ouverts; ce qui fait que le merrain qui en provient, ne peut convenir pour faire des barriques, ou tonneaux destinés à contenir des liqueurs spiritueuses, même des vins: aussi, ce qui s'en fabrique est-il classé parmi le mer- rain de Chêne rouge , et employé aux mêmes usages. Au surplus, la quantité qui s'en exploite sous ce rapport, se réduit à peu de chose; car, cet arbre, confiné dans certaines localités , est réellement peu abondant, compai-ativement à une foule d'autres ;'et j'oserai même avancer que tout ce qui en existe dans les Etats-Unis ne suffiroit pas, si on l'employoit seul, pour subvenir aux besoins du pays et du commerce pendant le cours de deux années. Dans quelques cantons de la Basse-Virginie, et notamment dans le comté d'York , l'expérience paroît avoir appris que le bois du Quercus phellos est doué de beaucoup de force et de ténacité, et qu'il est moins sujet à se fen- dre que celui du Chêne blanc; et c'est à cause de cette propriété, qu'après l'avoir d'abord bien laissé sécher, on s'en sert pour faire des jantes de roues de charrettes et de cabriolets. Cet usage, avec celui in-
QUERCUS PHELLOS. ^^
cliqué plus haut, est le seul auquel j'ai trouvé que ce bois fût adapté, et je ne puis croire même qu'il y soit aussi propre que des morceaux Lien choisis de Qiiercus ohtusiloba, ou de Fraxinus dis- color. Cependant , j'ai encore vu les champs de plu- sieurs habitations , dans les environs d'Augusta en Géorgie, dont les clôtures étoient faites, en partie, de bois de Chêne saule; mais elles durent huit à neuf ans au plus, tandis que celles faites en Quercus pri- nus palus tris résistent pendant quatorze ou quinze. Le Quercus phellos ne fournit même qu'un mauvais bois de chauffage; et quand on l'exploite dans cette vue, il est toujours rangé dans la classe de ceux qui se vendent au priy \e plus bas.
D'après ce qui précède, on peut juger que cet arbre, considéré sous le rapport des avantages qu'il peut offrir aux arts et au commerce, est d'un foible inté- rêt pour les Européens, et même pour les habitans des Etats-Unis, qui, dans les défrichemens, ne doi- vent avoir aucun égard à sa conservation.
Nous possédons en France plusieurs Chênes saules d'une grande hauteur. Il en existe surtout dans le jardin impérial du Petit-Trianon , un fojt bel indi- vidu, qui a plus de 4o pieds ( 12 mètres) , et dont la belle végétation et le feuillage vraiment singulier pour un Chêne , attirent toujours avec plaisir l'atten- tion des curieux.
PLANCHE XII.
Rameau représentant les feuilles et les glands de grandeur naturelle.
QUERGUS IMBRIÇARIA, LAUREL OAK.
QvEncv S Jbliïs subsessîlibus , ovall-oblongis , acutis , inte- gerrimis, nitidis : glande subhemisphericà.
Cette espèce de Chêne , assez rare à Test des monts Alléghanys], n'y est connue , sans doute par cette raison, sous aucun nom particulier; tandis qu'à l'ouest de ces montagnes, où elle est plus multipliée , etoià, par conséquent, elle a dû attirer davantage l'atten- tion des colons qui sont venus s'y fixer, elle est dé- signée sous ceux de Jack oak^ Black Jack oak, et quel- quefois de T.nureloak^ Chêne laurier, d'après la forme de ses feuilles. Cette dernière dénomination m'a paru la plus convenable, et je l'ai conservée, quoiqu'elle ne soit peut-être pas aussi usitée que la première.
C'est à un ou deux milles en-deçà de Bedford, sur la grande route de Philadelphie à Pittsburgh, qui , à cet endroit , longe la rivière Juniata , que j'ai ob- servé, pour la première foisjdans laPensylvanie, cet arbre qui ne se trouve dans aucun des Etats situés plus au nord. Je ne l'ai vu ensuite très abondant qu'au-delà des montagnes, et notamment aux en- virons de Washington, Pen., ainsi que dans quel- ques parties des Etats du Rentucky et du Ténessée. 11 paroitencore,d'aprèsles observations démon père, que le Quercus imhricaria est plus commun dans
NjI',
/fJXeJof,U<Mr
QUERCXTS nuln-icarm
Jio^ue^Jc.
QUERCUSIMBRICARIA. 'jg
le pays des Illinois , que dans aucun des endroits que je viens d'indiquer. Les Français de ces contrées lui donnent le nom de Chêne à lattes.
Dans la partie de la Pensylvanie et de la Virginie, située au-delà des montagnes , on rencontre assez souvent, au milieu des forêts, des vallons plus ou moins étendus, où se trouvent des espaces de lo à 3o arpens (5à 1 5 hectares) , qui sont naturelle- ment dégarnis d'arbres , et couverts uniquement d'herbes élevées et touffues. C'est principalement , dans le pourtour de ces petites savannes, qu'on voit des bouquets de bois , composés exclusivement de cette espèce de Chêne, qui, quelquefois cependant , croit aussi isolément dans les lieux frais et humides. C'est vraisemblablement par la raison que cet arbre vient de préférence dans des situations très-décou- vertes, qu'il est plus commun que par-tout ailleurs dans le pays des Illinois, où l'on aperçoit , de toutes parts , des prairies très-étendues , et où les parties boisées sont en beaucoup moindre proportion.
Le Quercus imbricaria s'élève de 4o à 5o pieds ( i5 mètres) , sur un diamètre de 12 à i5 pouces (35 centimètres). Son tronc, revêtu d'une écorce unie, même dans les vieux arbres, est très-ra- meux dans les trois quarts de sa hauteur, ce qui donne à ce Chêne un assez vilain aspect , lorsqu'en hiver il est privé de son feuillage. En été, il paroît très-touffu par la raison contraire, surtout quand il est isolé; et ses feuilles, très-rapprochées les unes des autres sur ses nombreuses branches, ajoutent en-
8o QUERCUS IM BRICARI A.
core à celte apparence ; elles sont longues de 3 à 4 pouces r 10 centim. J, de forme lancéolée , toujours entières, luisantes, et d'un vert très-agréable à l'œil.
Le bois du Quercus imbricaria est pesant et dur , quoique les pores en soient entièrement vides. L'arbre étant d'ailleurs très-branchu, et le tronc souvent tortueux , il n'est reconnu propre qu'au chauffage dans les contrées où je l'ai obser- vé personnellement. Mais , mon père , qui le pre- mier a décrit cette espèce, rapporte que les Français du pays des Illinois l'emploient pour faire des es- sentes ou bardeaux , ce qui doit faire présumer qu'il acquiert dans cette partie de l'Amérique septentrio- nale un beaucoup plus grand développement. Cepen- dant ce ne peut être , à mon avis , que le manque d'es- pèces plus p ropres à cet usage qui puisse obliger à s'en servir; car son bois, très-semblable à celui du Quer- cus phellos^ est réellement d'une qualité inférieure. Je pense en définitif que cet arbre ne peut être que d'un médiocre avantage pour la société.
Son feuillage , très-singulier pour un Chêne , me paroît être sa seule recommandation auprès des cu- rieux, qui veulent ajouter à l'agrément de leur rési- dence champêtre , en y variant les arbres étrangers, qui peuvent supporter la température du milieu de l'Europe.
PLANCHE XIIL
Hameau représentant les feuilles et les glands de grandeur naturelle.
Ff. 14^
T. J, lUdoicte Je!.
QXTERCXJS Cmei-ea.
Joauei j-cuIj> ,
QUERCUS CINEREA. UPLAND WILLOTV O A K.
QvERCVS,/oliis petiolatis , lanceolato-oblongis, acutls, înte- gerrimis , subtàs cinereo-pubescentibus : cupulu scutel- latâ ; glande subliemisphcericâ,
L^ Quercus cinerea apparûent exclusivement à la partie méridionale et maritime des Etats du Sud, où il est connu sous îe nom de Upland TVillow- oak^ Cliéne saule des terres élevées. Cette dénomi- nation est assez bonne ; car cette espèce de Chènc peu abondante sur le continent, comparativement à beaucoup d'autres arbres , est disséminée par petits groupes au milieu des pinières composées de Pinus australis. On le trouve encore sur les bords de la mer et dans les îles qui bordent la côte ; là , il cou- vre exclusivement des étendues de plusieurs arpens, dont le sol est encore plus aride que celui de la Terre- ferme : mais les individus qui croissent dans ces deux situations , présentent un aspect si différent , qu'on seroit tenté de les prendre pour des espèces distinctes. En effet , ceux qui croissent au milieu des pins , ont i8 et 20 pieds (^ômètresj de haut , sur un diamètre de 4 à 5 pouces (12 centim. ) ; leurs feuilles sont entières, longues d'environ 2 pouces et demi ( 6^ mil- limètresj , et blanchâtres en-dessous ; ceux , au cou* traire, qui croissent dans les îles ou sur la partie du continent qui est très-rapprochée de ia mer, et dont
H. II
82 QUERCUS CINEREA.
le terrain est aride , comme dans les environs de la ville de Willemington , N. C. , ne parviennent qu'à 3 et 4 pieds (i mètrej de hauteur, et leurs feuilles, longues seulement d'un pouce (27 millim. j , sont dentées : elles sont même assez consistantes pour rester deux ans sans tomber. Je me suis assuré que ces deux variétés étoient une même espèce , par un grand nombre de pieds appartenant à celle qui s'é- lève le plus, et qui croît dans les pinières : ces arbres qui avoient été coupés , repoussoient des rejetons dont les feuilles étoient absolument pareilles à celles de la variété , qui vient dans les iles et sur le bord de la mer.
Le Quej^cus cinerea est une des mauvaises espèces de Chênes , qui succèdent naturellement aux pins dans les terrains couverts de ces arbres, qu'on a tenté de cultiver d'abord , mais qu'on a été forcé d'aban- donner bientôt, à cause de la stérilité du sol. Dans ces endroits, le Quercus cfrzere^ s'élève jusqu'à 20 pieds (7 mètres) ; mais, comme les individus de cette même espèce qui viennent dans les pinières , il est très-branchu dans les trois-quarts de sa hauteur, et son tronc tortueux est couvert d'une écorce très- épaisse. Au printemps, les feuilles et les chatons qui portent les fleurs mâles, ont, à l'époque de leur dé- veloppement, une teinte rougeâtre qui les fait recon- noitre d'assez loin. Les glands , contenus dans une cupule peu profonde, sont arrondis et noirâtres; lorsqu'ils sont nouvellement sortis de la cupule, le Mil on leur base est d'un rose assez vif II est rare de trouver des arbres qui en donnent un litre.
( QUERCUS CINEREA. 83
Je suis le premier qui ai observe que le Quercus cinerea estla seule espèce de Chérie, après le Quercus tinctoria^ dont l'écorce donne une belle couleur jaune: mais, comme il est peu multiplié dans les fo- rets, et que ses dimensions sont très-petites, on ne peut en tirer aucun avantage sous ce rapport, et on en fait si peu de cas dans les Etats du midi, à cause de son petit diamètre, qu'on ne l'exploite même pas comme bois de chauffage.
Obseri^ation. A cette espèce doit se rapporter le Quercus nana de Willdenovs^, qui est I^ien certai- nement la variété dont j'ai parlé, et qui se trouve principalement sur les îles qui bordent la côte dans les Etats méridionaux.
PLANCHE XIV.
Rameau représentant les feuilles et /es glands de grandeur naturelle. Fig. 1 . Feuille de grandeur naturelle de la variété qui croît sur le bord de la mçr.
QUERCUS pvMiLA.
RUNNING OAK.
QuERcvs f /olii's décidais , lanceolatis , integerrimis , hast
abbenuads , apice dilatatîs : cupulâ scutellatâ j glande
subhemisphœricâ.
Q. Sericea. Willd.
De toutes les espèces de Chênes qui existent dans les Etats-Unis, et même qu'on a trouvées jusqu'à pré- sent dans les autres parties, soit de l'ancien, soit du nouveau continent , il n'en est aucune qui s'élève si peu que le Quercus pumila^ car il a ra- rement plus de 20 pouces (55 centim.) de hauteur, sur 2 lignes f 4 millim. ) de diamètre. Comme le Quercus cinerea^ il appartient exclusivement à la partie méridionale et maritime des deux Carolines , de la Géorgie et des Florides, où il est désigné par les habitans sous le nom de Runing oak , Chêne traçant : de même que celui-ci , il croit dans les landes ou pinières, où il est mêlé parmi les nom- breuses variétés de Faccinium^ d' Andromeda ^ et d'autres plantes qui couvrent le terrain partout où il y a un peu de fraîcheur, et où la couche de terre végétale a quelques pouces d'épaisseur.
Les feuilles de ce Chêne arbuste sont rongea très au printemps ; cette teinte s'évanouit à mesure que la saison s'avance, et elle est remplacée par la cou-
/'/ j!>.
X^narJ .■«.>
QUERCUS PCfMILA. 85
leur verte; ces feuilles, lorsqu'elles ont acquis tout leur développement 5 sonJ entières, lisses, de forme ovale-alongée, et ont environ 2 pouces ( 5 centim. j de longueur. Les glands, dont on ne trouve jamais que quelques-uns sur les tiges , sont très-petits , arron- dis et très-semblables à ceux du Quercus phellos et du Quercus aquatica. S'ils sont aussi rares , c'est prin- cipalement parce que les tiges sont brûlées jusqu'à la superficie du sol, presque tous les ans, au prin- temps, par le feu que les Américains sont dans l'u- sage de mettre, à cette époque , dans les forets. Les jeunes glands qui, dans le cours de la même année, dévoient compléter leur entière maturité, sont alors détruits avec les tiges qui les portoient, bien que celles de l'année soient toujours couvertes des cha- tons chargés de fleurs mâles et de rudimens de fleurs femelles ; car le Quercus pumila appartient à la di- vision des espèces à fructification bisannuelle, c'est- à-dire, qui ne la complètent que dans le cours de dix-huit mois , et non dans l'espace de neuf mois , comme le Chêne blanc.
Les observations de MM. Bosc etDelille, bota- nistes distingués, qui ont habité long-temps le midi des Etats-Unis, et celles qui me sont personnelles, m'ont décidé à présenter ce Chêne comme une es- pèce différente , et non comme une variété du Chêne saule, ainsi que mon père l'a considéré dans sa monographie, sur ce genre d'arbre aussi utile qu'im- portant à bien connoitre.
On conçoit aisément qu'un aussi petit arbuste ne
85 QUERCUS PUMILA.
sauroit offrir aucun degré d'utilité dans les arts, et qu'il ne peut intéresser que les botanistes.
PLANCHE XV.
Rameau représentant les feuilles et le fruit de grandeur naturelle.
n.iù\
Jl,:..m .M
FfJioc^uef Se
QUEIICIIS lieteropliilla.
QUERCUS HETEROPHYLLA. BARTRAM O A K.
QuERcus ,foUis longe petiolatis , ovato lanceolatis , inte- gris vel inœqualiter dentaiU ; glande subglobosd.
Les voyageurs qui ont parcouru les diverses par- ties dumonde,pour en étudier les productions natu- relles; les botanistes qui se sont livrés d'une manière plus particulière, à l'étude des végétaux, et qui ont publié la Flore des pays qu'ils ont visités , ont dû remarquer qu'il existoit des plantes et des arbres , appartenant à des espèces si peu multipliées, qu'elles sembloient faire prévoir leur prochaine disparition de la surface du globe. Le Chêne, dont je donne ici la description , paroît devoir être rangé dans cette classe: car plusieurs botanistes américains et anglais qui , comme mon père et moi , n'ont cessé pendant bien des années de parcourir les Etats-Unis dans toute sortes de directions, et qui très-obligeamment nous ont communiqué , po ur les progrès de la science , les résultats de leurs observations, u'ont, ainsi que nous, rencontré nulle part aucun autre Querciis Jieterophjlla ^ que le seul individu qui croît à quatre milles de Philadelphie, sur le bord de la Schuylkill dans un champ , dépendant de la ferme de M. Bar- tram. Ce Chêne a environ 8 pouces ( 65 centim. j de
88 QUERCUS HETEROPHYLLA.
diamètre et 3o pieds ( lo mètres J d'élévation; il est d'une belle venue , et paroît devoir encore arriver à une beaucoup plus grande hauteur. Ses feuilles sont ovales, alongées, et garnies irrégulièrement de larges dents : elles sont lisses en-dessus et en-des- sous et d'un vert sombre. Les glands , de médiocre grosseur et arrondis, sont contenus dans des^cupules peu profondes et légèrement écailleuses.
J'avois d'abord pensé que cet arbre pouvoit être une variété du Quercus laurijolia , avec lequel il a le plus de rapport; mais je me suis assuré du con- traire , car dans aucun cas les feuilles de cette der- nière espèce ne sont dentées; d'une autre part , il n'y a point de Quercus laurifolia à plus de 5o milles de celui qui fait Tobjet de cet article. Je possède quel- ques jeunes plants du Quercus heterophjlla. que je tiens de l'obligeance de M. Bartram; ils viennent très-bien en pleine terre , et je me propose de les planter dans quelques jardins publics, pour assurer leur conservation d'une manière plus certaine.
PLANCHE XVI.
Rameau représentant les feuilles et les glands de grandeur naturelle.
^/.ly.
QUERCUS JQVATICA.
l'i i •
fFATER OAK.
QuEucus , fotiis ohovali-cuneads , basiacutis , summitate suhintegris , variève trilohis , glabris : cupulâ modicè crateratâ ; glande subglobosâ.
C'est à peu de distance de Richemond en Virgi- nie, qu'en voyageant du Nord au Sud, j'ai, pour la première fois, remarqué dans les forets, cette espèce de Chêne. On la rencontre ensuite d'autant plus fréquemment qu'on avance vers des latitudes plus méridionales, et elle finit par être très-commune dans les Basses-Carolines , la Basse-Géorgie et la Floride orientale. Dans ces différens Etats, elle est désignée sous le seul nom de FVater oak^ Chêne aquatique. Il arrive cependant, quoique rarement , que, sous cette dénomination, le Quercm aquatica est confondu avec le Chêne saule ; car ils croissent toujours ensemble et avec les mêmes espèces d'ar- bres, dans les petits marais qui traversent les landes oupinières, et autour des mares qui y sont enclavées. D'où il s'ensuit que le Chêne aquatique ne demande pas un sol plus humide que le Chêne saule ou le Quercus prinus palustris , comme pourroit le faire croire le nom qui lui a été donné par les habitans.
Le Quercus aquatica s'élève beaucoup moins que
le Chêne saule; car sa hauteur excède rarement 40
à 45 pieds ( i5 mètres), sur i pied à 18 pouces
( 5o centim.) de diamètre. Dans les arbres qui ont
"• 12
go QUERCUS AQUÀTICA.
acquis tout leur développement , les feuilles sont lisses et luisantes, et leur configuration est , à peu de chose près, pyriforme, étant arrondies et beaucoup plus longues à leur sommet qu'à leur base , qui se termine par un angle aigu. En Virginie, où les hivers sont encore assez rigoureux, elles tombent dès les premières gelées, tandis que sur le bord de la mer, dans la Caroline méridionale, la Géorgie et la Flo- ride, les froids sont si peu sensibles qu'elles subsis- tent deux et même trois ans , sans se renouveler.
Il n'est aucune espèce de Chêne dans les Etats- Unis qui, dans sa jeunesse, présente des feuilles dont les formes soient aussi variées et si peu sem- blables à celles qu'elles ont, lorsque les arbres ont acquis tout leur accroissement. Cette différence dans la foliation a lieu également dans les rejetons des vieux arbres qui ont été abattus, et sur les nouvelles pousses des grosses branches qui ont été coupées. Ces feuilles sont le plus ordinairement elliptiques, avec des dents très-prononcées , très - saillantes et placées fort irrégulièrement sur leur bord.
Les glands du Quercus aquatica , contenus dans une cupule peu profonde et peu écailleuse , sont fort petits, de couleur brune et fort amers; l'arbre le plus fort en donne rarement plus de cinq à six litres : ces glands , comme ceux du Chêne saule , peuvent conserver leur faculté germinative pendant plu- sieurs mois', pourpeu qu'ils soienttenus fraîchement. Le tronc du Quercus aquatica est revêtu d'une écorce lisse ou très-peu fendillée , même dans les plus
QUERCUS AQUATICA. QI
vieux individus. On se sert rarement de son ecorce pour le tannage des cuirs, soit parce qu'il n'est pas plus multiplié que le Chêne saule , soit parce que cette écorce est d'une qualité inférieure à celle du Quercus falcata ^ lequel est beaucoup plus commun dans les mêmes pays.
Le bois du Quercus aquatica est très - coriace , mais moins durable que ceux du Chêne blanc et du Chêne blanc châtaignier; et l'on préfère toujours ceux-ci pour le charronnage et la bâtisse, lorsqu'on est à portée de s'en procurer.
D'après les recherches que j'ai faites sur cette es- pèce de Chêne, qui n'est que de la seconde gran- deur , il résulte que cet arbre n'offre aux Européens qu'un médiocre intérêt, d'autant plus que les froids qu'on éprouve dans le milieu de la France suffisent pour geler ses jeunes pousses , et qu'il ne viendroit parfaitement bien que dans les départemens méri- dionaux. Quant aux Etats-Unis, les diverses contrées où se trouve le Chêne aquatique, produisent assez d'autres sortes de Chênes , dont le bois est beaucoup meilleur ; d'où il s'ensuit que cette espèce , ne méri- tant, en aucune manière, d'être réservée dans les nouveaux défrichemens, finira par disparoitre peut- être entièrement des pays où elle se trouve, comme plusieurs autres qui sont déjà rares et dont le bo-is a peu de valeur.
PLANCHE XVIL
Rameau représentant les feuilles et les glands de grandeurnaturelîe.
QUERCUS FERRUGINEA.
BLACK JACK OAK.
Qv ERCjj S f foliîs coriaceis, surmnitatedilatatis , retuso-sub-
trilohis hasi retusis , subtùs rubiginoso-puîverulentis :
cupulâ turhinatâ , squamis obtusis , scariosis ; glande
hrevi ovatâ.
Q. Nigra. WiLLD.
C'est dans le New - Jersey , entre Allenstown et Cranbery , petites villes situées à environ 60 milles à Test de Philadelphie, que , pour la première fois, j'ai remarqué dans les forets cette espèce de Chêne; mais dans cet endroit elle m'a paru moins élevée et moins abondante que plus au midi. Dans cet Etat , ainsi qu'à Philadelphie seulement, on donne à cet arbre le nom de j5«7're/2^oaA, tandis que dans le Mary- land , la Virginie et les Etats méridionaux , il est dé- signé sous celui de Black jack. J'ai cru devoir conser- ver cette dernière dénomination, non parce qu'elle est la plus convenable, mais parce qu'elle est la plus universellement employée. J'ai cru devoir aussi chan- ger le nom spécifique latin de nigra en celui de ferrugineaj SLttendu. que, dans tous les Etats-Unis, le nom de Chêne noir est seulement donné au Quercus tinctoria^ et jamais à l'espèce que je décris.
Cette espèce de chêne appartient plus particuliè- rement aux mauvaises terres , qui sont formées d'un sable rouge, argileux et entremêlé de gravier; ter- rains maigres et si peu productifs que, si on les sou-
.^',,:f9ii^m\
■M
/'//y,.
>■ |
^^^^^^^^^mm^Kt. s |
||
^^■^^^■H.^^^<>ij^^HB |
|||
* |
|||
A ///.v/v//^ „;■,■■ |
<C |
ouFJir US rciTuo.uioa
QUERCUS FERRUGIIVEA. g3
met à la culture, ils sont épuisés dès la cinquième ou sixième récolte. Malheureusement , ces sortes de terres forment une grande partie du sol du Mary- land et de la Basse - Virginie, ce qui comprend une étendue d environ 4 à 5oo milles, à partir de Baltimore jusqu'aux limites de la Caroline septen- trionale. Dans tout cet intervalle , à l'exception des vallons, des marécages et des coteaux qui les avoisi- nent, le pays n'offre que des forets dégradées et ap- pauvries par le feu , et par les bestiaux qui y vivent une très-grande partie de l'année. Ces forets ne sont presque entièrement composées que de pins jaunes, de chênes à poteaux, de chênes ferrugineux, de mau- vais chênes écarlates et de chênes noirs. Cette même nature de terrain, garnie de pareils arbres, constitue encore, et dans une étendue de plus de 400 milles sur i5 à 3o de largeur , la lisière ou le point inter- médiaire qui , dans les deux Carolines et la Géorgie, unit les pinières aux forêts, composées d'espèces d'arbres qui requièrent un fonds plus fertile; car le sol le devient d'autant plus qu'on avance vers les montagnes. Dans le Rentucky et le Ténessée , on trouve aussi ce Chêne, mais seulement dans les prairies (barrens) ^ où il est très-disséminé , et où il résiste aux incendies qui , presque tous les printemps , brûlent les herbes dont elles sont cou- vertes. La conservation de cet arbre dans cette cir- constance , me paroît due à l'épaisseur de son écorce , ainsi qu'à son isolement; car le feu , poussé par le vent , n'a que le temps de brûler son feuillage. Dans
94 QUERCUS FERRUGINEA.
les IdLTïdes , Fines barrenSy qui occupent toute la par- tie maritime des Etats méridionaux , cet arbre croît principalement sur les bords des petits marais qui les traversent, et dont le sol est toujours un peu plus substantiel que celui qui produit les pins. C'est en- core cette espèce qui, avec le chêne à feuilles cen- drées et celui de Gatesby , s'empare, dans cette par- tie des Etats méridionaux, des terrains abandonnés à cause de leur infertilité , et succède aux pins qui les couvroient antérieurement. Dans ces situations particulières , j'ai toujours observé que ces arbres acquéroient de plus fortes dimensions que dans les bois.
Le Quercus ferruginea s'élève quelquefois à 3o pieds Ç 10 mètres), sur 8 à lo pouces Ç 25 centim. ) de diamètre ; mais le plus souvent il ne parvient qu'à la moitié de ces dimensions. Son tronc , ra- rement droit, est couvert d'une écorce ( épiderme) profondément crevassée, très-dure, très-épaisse, et presque noire ; le tissu cellulaire qu'elle couvre , est de couleur de brique. Sa cime est fort élargie , disposition quiparoit lui être naturelle, même lors- qu'il vient au milieu des bois. Ses feuilles , lors de leur développement au printemps , sont jaunâtres et pulvérulentes; mais lorsqu'elles ont acquis toute leur grandeur, elles sont d'un vert obscur, épaisses, coriaces et ferrugineuses en-dessous : assez grandes et fort élargies à leur sommet, elles ont la forme d'une poire renversée. A l'automne, elles prennent une teinte rougeâtre , et tombent peu après les premières gelées.
QUERCUS FERRTJGINEA. qS
La fructification de ce Chêne est très-peu abon- dante , et il n'y a jamais que les plus vieux arbres qui rapportent; encore , la quantité de glands qu'ils donnent, se réduit- elle à quelques poignées. Les glands sont assez gros et renfermés, jusqu'à la moitié, dans des cupules très-écailleuses.
Le bois du Quercus ferruginea est pesant et assez compacte , lorsqu'il provient d'arbres qui ont plus de 8 pouces (20 centim.) de diamètre; mais, avant qu'il ait acquis cette grosseur, ses pores sont ouverts, et le grain en est très-grossier. 11 n'est d'aucun usage dans les arts, parce qu'il est sujet à être attaqué dans le cœur, et susceptible de pourrir très-promptement lorsqu'il est exposé aux intempéries de l'air. Le seul avantage qu'il offre à la société , c'est de fournir un très-bon bois de chauffage, et, sous ce rapport, il tient, à Philadelphie, le premier rang, après le noyer hickerjy car il se vend seulement un dollar ou 5 fr. de moins par corde , tandis que les autres sortes de bois valent 3o pour cent de moins.
D'après cette description , on voit que le Quercus ferruginea ne présente aucune utilité réelle aux Eu- ropéens; le seul degré d'intérêt qu'il peut offrir, c'est d'attirer, par son feuillage assez singulier, l'attention des amateurs de cultures étrangères.
PLANCHE XVIII.
Rameau représentant les feuilles et les glands de grandeur naturelle.
k'W'fc-».'*''
QUERGUS BANISTERI,
EAR OAK.
Q u ERCV s, /bliis longé peti'olatiSf acutangulo-quînefue-lobis, margine inùegris , subtùs cinereis : cupulâ subturbinatâ ; glande subglobosâ.
Cette petite espèce de Chêne est connue dans les Etats du Nord et du milieu, sous les difFérens noms de Bear oak^ Chêne à gland d'ours, de Black scruh oak^ Chêne chétifnoir, et de Dwarf red oak y ipeth Chêne rouge. De ces diverses dénominations , j'ai conservé la première, comme la plus en usage dans le New-Jersey, où ce Chêne arbuste est fort abon- dant. Les botanistes lui ont donné le nom spécifi- que latin de Banisteri, parce que c'est un Anglais nommé Baniste?^ , qui, le premier, l'a fait connoitre dans ses écrits.
Le Quercus è^wiVf m paroit entièrement étranger à la partie méridionale des deux Carolines, de la Géorgie et de la Basse-Virginie, car je ne me ressou- viens pas de Ty avoir vu. Il est , au contraire , assez commun dans les Etats du Nord, et je crois qu'il l'est encore davantage dans ceux de la Pensylvanie, du New-Jersey et de New- York. Je Tai plus parti- culièrement observé dans ce dernier Etat, sur les montagnes de Fish-kill, de Kattskill , et près d'Al- bany ; dans le New- Jersey , aux environs de Paramus ; enfin dans la Pensylvanie, sur les difFérens chaînons
///-
JJU
/f.J./leJo,,/.- ,M'
OUEUCUS L.uusteri.
^^À ■ /' /
QUERCUS BANISTERI. QH
des Alléghanys, qu'on traverse en allant à Pitts- burgli. Car il est à remarquer qu'il ne croît pas iso- lément au milieu des forets, qu'il n'est pas même entremêlé avec d'autres arbrisseaux, mais qu'il vient seulement dans certains cantons, dont il couvre pres- que exclusivement plusieurs centaines d'arpens. Le Quercus prinus chincapin est très-souvent mêlé avec lui, mais toujours dans une proportion infiniment moindre.
La hauteur la plus ordinaire du Quercus hanisteri est de 3 à 4 pieds ( i mètre ) : néanmoins , il parvient quelquefois jusqu'à 8 et i o ( 3 mètresj ; ce qui n'arrive , il est vrai, que dans les individus qui sont accidentel- lement séparés, et qui croissent dans des veines de terres plus fertiles 5 car ils sont ordinairement si rapprochés les uns des autres, et leurs branches sont tellement mêlées ensemble, qu'il est difficile de tra- verser ces sortes de taillis naturels, quoiqu'ils ne dépassent pas la ceinture. Gomme les individus qui composent ces taillis , s'élèvent naturellement à la même hauteur , leur sommet présente une surface tellement uniforme que, vu dans l'éloignement, l'es- pace qu'ils occupent paroit plutôt couvert d'herbages que d'arbustes.
Le tronc, qui est très-rameux, et même les branches secondaires, sont couverts d'une écorce lisse, et ils offrent plus de résistance qu'on ne devroit en atten- dre d'un arbrisseau qui acquiert rarement plus d'un pouce (a^millim.) de diamètre. Ses feuilles, divisées assez régulièrement en trois ou cinq lobes, sont d'un
IF. i3
g8 QUERCUS BANISTERI.
vert sombre à leur partie supérieure, et blancliâtres en-dessous. Ses glands sont assez petits, noirâtres et comme rayés, dans leur longueur, de quelques lignes rougeàtres. Il semble que la nature ait voulu com- penser la petitesse de ce Ghéne par une fructifica- tion singulièrement abondante ; car dans certaines années, les glands sont tellement serrés les uns con- tre les autres, quils couvrent les brandies. Le peu d'élévation de ce Chêne donne aux ours, aux cerfs et aux cochons, la facilité de s'en nourrir, pour peu qu'ils lèvent la tête, ou seulement en se tenant sur leurs pieds de derrière.
- La présence du Quercus hanisteri est considérée comme un indice certain de la stérilité du sol qui , dans les endroits oii il croit , est presque toujours sec, sablonneux et très-mélangé de gravier. L'exiguité de ce Chêne est telle qu'on ne l'emploie en aucune manière. J'ai cependant remarqué à une petite dis- tance de Goshen sur la route qui conduit à New-York qu'on avoit tenté de s'en servir pour renforcer les clôtures des champs cultivés , en favorisant sa crois- sance près de ces clôtures : mais cette opération étoit si imparfaite , que le but qu'on s'étoit proposé n'étoit pas atteint. Je crois , néanmoins, qu'on pour- roit l'employer fort utilement dans les Etats du Nord et du milieu, à former des haies de 20 à 24 pouces (6ocentim.J d'épaisseur: pour cela il sufFiroit d'ouvrir trois sillons à 6 p'^" ( 16 cent, j d'intervalle et de semer des glands dans chacun des rayons. Cette sorte de haies , qui seroit formée assez promptement, offriroit
queucus bainisteri. - gcj
un coup d'œil agréable, et seroit, je pense, suffisante pour s'opposer au passage des chevaux et des vaches. Néanmoins , je suis convaincu que des haies faites eu épines d'Europe seroient bien préférables; mais leur plantation exigeroit un assez bon terrain , et beau- coup plus de temps et de soins que les Américains ne peuvent en donner pour le présent à cause de la cherté de la main d'œuvre. C'est pour cette raison, que les haies de ce genre qu'on voit dans les environs de Phi- ladelphie, sont dans un tel état de dégradation , que si on en'voyoit de pareilles dans le nord de la France, on auroit une très - mauvaise opinion des fermiers possesseurs de champs si mal enclos.
Le Quercus hanisteri a de trop petites dimensions pour être d'aucun usage dans les arts; mais, comme il est susceptible de croître dans les terrains les plus arides, et de résister aux froids les plus intenses, ainsi qu'aux vents les plus impétueux , il seroit peut-être possible de s'en servir utilement pour protéger, dans les premières années , les semis d'arbres plus impor- tans qu'on voudroit faire dans de pareilles exposi- tions ; car ce sont là les plus grands obstacles qu'on ait à surmonter dans les plantations des dunes sur les bords de l'Océan : c'est , du moins, ce qu'on m'a fait remarquer, lorsque je parcourois les côtes de la mer , près de La Haye.
Les propriétaires de grands domaines, qui sont amateurs de la chasse , pourront encore tirer parti de ce Chêne nain et du Quercus prîjuis chincapin , pour en former des garennes. Leur fructification
100 QUERCUS BANISTERI.
très-abondante serviroit à nourrir le gibier pendant plusieurs mois, et leur élévation qui n'excède pas 3 à 4 pieds ( I mètre ) , permettroit aux chasseurs de tirer facilement le gibier qui s'élçveroit au-dessus de ces taillis.
Je n'ai rien à ajouter de plus à l'histoire de cette petite espèce de Chêne , dont on trouve dans toutes les pépinières beaucoup de pieds , provenant des nombreux envois que j'ai faits pendant mon dernier voyage.
PLANCHE XIX.
Rameau représentant les feuilles et le fruit de grandeur naturelle.
ri.2o.
Jl J.JieJouU .M
OUKIUTIS catosbœ.
QUERCUS CATESBOEI.
BAR RE N s SCnUB OAK.
QuERCUS , foliis brepisslmè petiolatis , basi angustatis , acutis , sub-palmato-lobatis , îobls interdùm sub-fal- catis : cupulà majusculà , squamis marginal ibus intro- flexis; glande breviovabâ.
Cette espèce de Cliéne, d'après mes observations, paroît se trouver exclusivement dans la partie basse des deux Carolines et de la Géorgie; car je ne Tai vue dans aucun des autres Etats où j'ai voyagé. C'est à quelques milles au Sud de Raleigh, latitude 35°, 4o', que, pour la première fois, je l'ai observée en me rendant de Philadelphie à Savanah en Géorgie. De tous les Chênes de l'Amérique septentrionale , c'est celui qui croit dans les terrains les plus mai- gres, et souvent si peu propres à la végétation, qu'ils ne sont pas même couverts d'une légère couche de terre végétale ; ce que j'ai surtout remarqué dans les environs de Villemington , C. N. , dont le sol n'offre qu'un sable aride et mouvant , et dont ce- pendant le Quercus cateshœi couvre presque ex- clusivement la surface, plusieurs milles à la ronde. C'est aussi le seul arbre qui soit le plus commun dans les landes américaines. Fines barrens ^com^osé^Qî> de Pins à longues feuilles , Pinusaustralis'^ et c'est pro- bablement à cause de cela, qu'on lui a donné le nom de Barrens scrub oak^ Chêne chétifdes landes. Quoique j'aie traversé ces landes dans bien des
102 QUERCUS CATESBOEI.
directions différentes, je n'ai vu nulle part le Quer- cus catesbœi , réparti plus uniformément parmi les pins, que dans l'intervalle d'environ 60 milles, com- pris entre Fayetteville et Willemington. Il y forme à peu près le dixième des pins, qui eux-mêmes, là, comme par-tout ailleurs, sont très-disséminés , étant éloignés de i5 à 20 pieds (^ 6 mètres) les uns des autres.
Le feuillage de ce Chêne est peu fourni. Ses feuil- les, attachées par de courts pétioles et assez grandes, sont laciniées très-profondément et d'une manière fort irrégulière. Elles sont lisses, assez épaisses et même coriaces vers la fin de l'été. Dès que les froids commencent à se faire sentir, elles deviennent d'un rouge terne , et elles tombent dans le cours du mois suivant. Les plus vieux arbres sont les seuls qui fructifient : encore , ce qu'ils donnent de glands se réduit - il à quelques poignées ; ces glands sont assez gros, de couleur noirâtre et couverts en partie d'une fine poussière de couleur grise , qui se détache aisément en les frottant entre les doigts. Ils sont contenus dans des cupules, épaisses, sensiblement renflées à leur partie supérieure, et remarquables en ce que les écailles placées vers leur ouverture se re- plient intérieurement; caractère particulier à cette espèce.
Lorsque le Qiiercus catesbœi est privé de ses feuilles en hiver, il est difficile de le distinguer du Quercus ferru^inea , avec lequel il a beaucoup de ressemblance par son port; car, comme lui, il a
QUERCUS CAÏESBOEI. Io3
le tronc tortueux et branchu , à partir de deux ou trois pieds (i mètre J au-dessus de terre. Son écorce est également noirâtre, épaisse et profondément cre- vassée , et les bois de l'une et de l'autre espèce sont aussi entièrement semblables par la couleur, la tex- ture , la grosseur et la pesanteur ; ce qui fait que celui du Quercus catesbœi est aussi considéré à Wil- lemington, comme le meilleur bois de chauffage du pays, et qu'à cause de cela il est vendu séparément. Mais, quoiqu'il soit très-commun dans ce canton, il ne suffit pas à l'approvisionnement des habitans , parce qu'on trouve rarement des pieds qui aient plus de la grosseur du bras. La petitesse de son diamètre seroit seule un obstacle à ce qu'on en fit usage dans les arts.
Ce que je viens de dire du Quercus catesbœi ^ fera évanouir les espérances qu'on pouvoit d'abord avoir conçues d'un arbre qui offroit l'avantage inappré- ciable de croître dans les terrains les plus infertiles : d'ailleurs, je suis presque certain qu'il ne végéteroit que fort imparfaitement dans le Nord de la France eu égard aux froids qu'on y éprouve en hiver ; et cette presque certitude vient à l'appui de l'opi- nion oii je suis, qu'il ne présente aucune ressource aux Européens.
PLANCHE XX.
Rameau représentant les Jeuilles et les glands de grahdeurnaturelle.
QUERCUS FALCATA.
SPANISH OAK.
Q u E R ç u S , foliis longe petiolatis , suhpalmato-lohads , subtùs exiiniè tomentosis , lobis falcatis : cupulâ crateriformi ; glande subglobosà.
Q. Elongata. Willd.
Le Quercus falcata , de même que le Quercus ferruginea^ commence à paroitre vers le Nord dans le New Jersey , près d'AUenstown , éloignée d'envi- ron 60 milles de Philadelphie; mais, malgré cette petite distance , il y est moins élevé que dans le voisinage de cette dernière ville, où déjà il m'a sem- blé acquérir tout son développement , et où son feuil- lage se montre aussi sous sa véritable forme. Plus au Sud, cet arbre fait toujours partie des forets , et il est même un de ceux qui entrent en plus grande proportion dans leur ensemble. J'ai également re- marqué qu'il étoit moins commun à l'approche des montagnes, ainsi que dans les Etats de l'Ouest.
Dans le Maryland, le Delaware et la Virginie, cette espèce de Chêne est connue sous le seul nom de Spanish oak^ Chêne d'Espagne, tandis que, dans les deux Carolines et la Géorgie, elle est désignée sous celui de Red oak , Chêne rouge. Dans un ouvrage anglais assez ancien , que j'ai trouvé dans la biblio- thèque de la ville de Charleston, S. C. , il est dit que la dénomination de Spanish oak^ Chêne d'Es- pagne, lui avoit été donnée par les premiers colons.
//
on: lier s talcala
^^,///A./ fit/-.
QUEBCUS FALCATA. Io5
à cause de la ressemblance qu'ils avoient cru voir entre ses feuilles et celles du Quercus velani^ qui croit en Espagne. Que cette étymologie soit vraie ' ou fausse , c'est ce que j'ignore ; mais elle est incon- nue à tous les habitans qui désignent cet arbre sous cette dénomination; car aucun de ceux que j'ai con- sultés n'a pu m'en donner la raison, et moi-même je ne pouvois m'en rendre compte avant que d'avoir eu connoissance de cet ouvrage. Quant au nom de Red oak^ Chêne rouge, qu'il porte seulement dans les Etats du Sud, il lui a été probablement donné à cause de la grande analogie qui existe entre son bois et celui de l'espèce désignée sous ce même nom dans les Etats du Nord et du milieu, où il est beaucoup plus rare que dans ceux du Midi.
Le Quercus falcata est un fort grand arbre, qui parvient à plus de 80 pieds (27 mètres) d'élévation, sur 4 à 5 pieds (i à 2 mètres) de diamètre. Dans quel- ques circonstances , ses feuilles se présentent sous des formes très - différentes. Ainsi , dans le New- Jersey, oii il ne s'élève qu'à 3o pieds (10 m.J sur 4 à 5 pouces de diamètre ^i4cent.j , elles sont seulement trilobées, et non falquées comme dans les grands individus qu'on voit plus au Sud ; ou du moins, celles qui ont ce dernier caractère, sont en très-petit nom- bre , et placées à l'extrême sommet des arbres. Dans les jeunes plants , elles présentent également la même configuration, ainsi que sur les branches inférieures des arbres les plus vigoureux qui croissent dans des lieux très -frais et très-ombragés, tandis que celles If. i4
I06 QUERCUS FALCATA.
qui sont à la partie la plus élevée sont plus étroite- ment laciniées , et elles ont leurs lobes encore plus arqués que les feuilles représentées dans la figure que je donne. C'est cette différence aussi remarqua- ble qui a induit mon père en erreur, et qui lui a fait décrire, sous le nom de Qiiercus triloba^ les indivi- dus dont le feuillage n'avoit point encore acquis sa véritable forme. Quelquefois aussi , les feuilles du Quercus falcata ne sont, dans les rejetons des arbres coupés, ni trilobées, ni falquées; elles sont découpées ou dentées très-profondément à angles droits : mais elles ont toujours pour caractère constant d'être très- veloutées en-dessous , ainsi que les jeunes pousses aux- quelles elles sont attachées.
Les glands du Quercus falcata ^ contenus dans des cupules légèrement écailleuses et peu profondes, sont petits, arrondis, de couleur brune, et supportés sur des pédicules d'environ i à 2 lignes de longueur. Les glands ressemblent assez à ceux du Quercus hanisteri., et ils conservent de même assez long- temps leur faculté
i^ermmative.
Le tronc du Quercus falcata est revêtu d'une écorce noirâtre , profondément crevassée , et dont le tissu cellulaire est moyennement épais. Le bois en est rou- geâtre, le grain grossier , et les pores sont entièrement vides. Il a^ toutes les propriétés et tous les défauts des Chênes qui, dans les Etats - Unis, fournissent au commerce le bois, dit de Chêne rouge. C'est à cause de cela qu'il n'est propre, comme ce dernier, qu'à être débité en merrain, pour les tonneaux destinés
QUEIVCUS FALCAÏA. IO7
uniquement à contenir des mélasses, des salaisons et des marchandises sèches. On m'a cependant assuré que , dans les colonies des Indes occidentales, on esti- moit davantage le merrain de Chêne rouge qui y est importé de Savanah et des autres ports des Etats mé- ridionaux , où le Quercus falcata est très-commun j ce qui porte à croire que son hois est d'un meilleur usage que celui que fournissent les Quercus ruhra , Quercus coccinea et Quercus tinctoria ^ qui donnent presque à eux seuls tout le merrain de cette qualité exporté des Etats .du Nord, et qui y sont heaucoup plus multipliés que dans le Midi des Etats-Unis. Néan- moins, cette supériorité n'est pas bien marquée, puis- qu'on ne paie pas, dans les colonies, le merrain qui vient de Savanah, à un prix plus élevé.
Dans les endroits où le Quercus falcata est très- abondant, son bois est bien moins estimé, à cause de son peu de durée, que celui du Chêne blanc, du Chêne à poteaux, et des autres espèces à fructification annuelle; ce qui fait qu'on ne l'emploie presque jamais dans aucua genre de construction, soit civile, soit maritime. On s'en, sertseulement à Baltimore commebois de charix)nnage, l'on en fait les jantes des roues des grosses voitures, parce qu'il a, dit-on , pour cet usage , plus de force que le Chêne blanc , et qu'il n'est pas aussi sujet à se fendre.
La principale propriété du Quercus falcata y celle qui lui assure la supériorité sur la plupart des autres espèces de Chênes des Etats-Unis , paroîlroit résider seulement dans son écorce , qui , à Philadelphie , à Baltimore, et dans les autres villes situées plus au Sud,
Io8 QUERCUS FALCATA.
est reconnue très-préférable à celle des autres Chênes rouges, pour le tannage des gros cuirs. Préparés avec cette écorce, ils ont plus de blancheur et de souplesse; et leur qualité s'améliore encore , dit-on ,si on y ajoute une certaine quantité de celle de Hemlock spruce , Ahies canadensis. C'est pour cela qu'à Philadelphie , à Willemiugton et à Baltimore , l'écorce du Quercus falcata se vend environ iS pour loo plus cher, que celle des autres espèces de Chênes.
Le Quercus falcata supporte très -bien les froids du milieu de la France, à en juger par le grand nombre d'individus qu'on voit dans les pépinières des environs de Paris et dans les jardins des amateurs de cultures étrangères ; mais les plants qui proviennent des en- vois que j'ai faits pendant mes voyages aux Etat-Unis, n'ont encore que les feuilles trilobées ; elles ne sont point falquées comme elles le deviendront par la suite.
Le Quercus falcata renferme - t - il des qualités assez marquées pour mériter d'être introduit dans les forêts européennes ? Je ne le pense pas, i°. parce que son bois , quoique un peu meilleur que celui de plu- sieurs espèces de Chênes, dits Chênes rouges dans les Etats-Unis, est fort inférieur à celui de tous ceux à fructification annuelle , qui eux-mêmes le cèdent à notre Quercus pedunculata. 2°. Parce que, quand bien même son écorce égaleroit en bonté celle de l'espèce européenne, ce qui n'est pas encore certain, son bois lui est fort inférieur en qualités.
Si dans les Etats du Midi , ainsi que dans la Virginie
QUERCUS FALCATA. lOQ
et même le Maryland , on vient dans la suite des temps à favoriser la croissance de certaines espèces d'arbres aux dépens de plusieurs autres qui offrent moins de ressources à la société , on pourra , parmi les Chênes rouges qui s'y trouvent , se restreindre au Quercus f alcata, parce que, oulre les avantages qu'il possède sur ceux-ci, il a celui de croître assez bien dans des terreins de médiocre qualité, tels qu'il s'en trouve beau- coup dans cette partie des Etats-Unis.
PLANCHE XXI.
Rameau représentant les feuilles et le fruit de grandeur naturelle.
QUERCUS TINCTORI A.
BLACK OAK.
QuERcus , foliis profundè sinuosis , suhtùs pulverulentis : cupulà turbinatâ j squamosà ; glande hreui ovatâ.
A l'exception du district de Maine , de la partie septentrionale du New-Hampsliire, de l'Etat de Ver- mont et du Génessée, on trouve cette espèce de Ghéne dans tout le reste des Etats-Unis, tant à l'Est qu'à l'Ouest des monts Alléglianys, avec cette différence cependant, qu'elle est iDeaucoup plus abondante dans les Etats du centre, dans la Haute-Caroline et la Haute- Géorgie, que dans le bas de ces mêmes Etats. Partout où vient cet arbre , il est désigné sous le seul nom de Black oak^ Chêne noir.
Le Ghéne noir ne paroît pas demander , pour pousser vigoureusement, un aussi bon terrein que le Chêne blanc ; car dans le Maryland et dans une partie de la Virginie , où le sol est fréquemment maigre, graveleux et inégal , il concourt toujours avec le Quercus coc- cinea , le Quercus falcata , le Quercus obtusiloha et le Juglans tonientosa, a former la masse des forets; et il est un des arbres les plus élevés, à l'exception du Pin jaune , qui souvent est mêlé avec ces mêmes espèces.
Le Quercus tinctoria est un des plus grand arbres de l'Amérique du Nord, car il acquiert de 80 à 90
I'i22.
A^« /,/
idirif^t f *t'a^'
OlIEllCrS imcloi-ia
QUERCUS TINCTOKIA. III
pieds (27 à 3o mètres) d'élévation sur 4^5 pieds ( 1 à 2 met.) de diamètre. Ses reiiillcs, assez grandes, partagées en 4 ou 5 lobes, sont laciniées assez pro- fondément, avec des échancrui es ou sinus , moins pro- fonds et plus ouverts que ceux des feuilles du Quercus coccinea^ avec lesquelles elles ont beaucoup de res- semblance j mais elles en diffèrent, en ce qu'elles sont moins luisantes, d'un vert plus mat, et encore parce qu'au printemps, et pendant une partie de l'été, leur surface inférieure, et les jeunes pousses, sont légèrement rugueuses ou couvertes d'un grand nombre de petites glandes, très-sensibles à la vue et au toucber. J'ai encore remarqué que, dans les jeunes plants , les feuilles devenoient, en automne, d'un rouge terne; mais que, dans les vieux, arbres, elles jaunissoient , et que celte teinte jaune commençoit à se manifester dans le pétiole.
Le tronc du Quercus tinctoria est revêtu d'une écorce assez profondément crevassée, moyennement épaisse , et constamment de couleur noire , ou du moins d'une teinte très-rembrunie , d'où lui est venu proba- blement le nom de Chêne noir. Cette couleur très- prononcée de son écorce est, dans tous les Etats au Nord-Est de la Pensylvanie, le seul caractère auquel on puisse, en hiver, le distinguer des Quercus rubra, Q. coccineaei Q. amhigua^ et même en été , lorsqu'on ne peut se procurer des feuilles pour les comparer les unes avec les autres. Plus au Midi, ce seul caractère ne suflit pas pour le reconnoitre d'avec le Quercus
ÏI2 QUERCUS TINCTORIA.
falcata^ dont l'écorce est aussi de la même couleur; il faut absolument alors examiner les bourgeons, qui sont plus longs, plus acuminés et plus écailleux dans le Quercus tinctoria : toute espèce de doute sera en- core levée , si on vient à mâcher une parcelle du tissu cellulaire de l'écorce de l'une et l'autre espèce ; celle provenant de l'espèce que je décris est très-amère, et donnera une teinte jaunâtre à la salive , ce qui n'aura pas lieu avec l'autre.
Le bois du Quercus linctoria est rougeâtre , le grain en est grossier, et les pores en sont entière- ment vides 5 c'est néanmoins de tous les Chênes à fructification bisannuelle (le Chêne vert excepté), celui dont le bois est le plus estimé, parce qu'il a plus de force et qu'il résiste plus long - temps à la pourri- ture ; c'est à cause de cela qu'à Philadelphie on l'em- ploie au défaut de Chêne blanc dans la bâtisse des maisons, et que, dans les Etats du Nord, les fermiers qui , par une économie mal entendue, ne veulent pas se servir de pieux de Chêne blanc pour enclore leurs champs, emploient ceux de Chêne noir, qui coûtent moitié moins.
Le Chêne noir étant très-abondant dans les Etats du Nord et du centre, il fournit une grande propor- tion du merrain, dit de Chêne rouge, qui est exporté dans les colonies ou employé dans le pays pour les barriques destinées seulement à contenir des farines , des salaisons ou de la mélasse.
On se sert beaucoup de l'écorce du Quercus tinc-
QUERCUS TINCTOniA. Il3
toria pour le tannage des cuirs , parce qu'elle est très- facile à se procurer et qu'elle est très-riche en prin- cipe tannin j le seul désavantage qu'elle présente , c'est de donner aux cuirs une couleur jaune , qu'on est obligé de faire disparoître par un procédé particulier; car, sans cela, les bas s'en trouvent fortement im- prégnés. C'est donc par erreur qu'on a avancé, que cette teinte qu'elle communique aux cuirs , en aug- mentoit le prix.
C'est la partie cellulaire de l'écorce de cette espèce de Chêne qui fournit le Quercitron, dont on fait actuel- lement un très-grand usage pour teindre en jaune la laine, la soie et les papiers à tenture. D'après les au- teurs qui en ont parlé, entr'autres le docteur Bancroft, à qui on est redevable de cette découverte, une partie du Quercitron donne autant desnbstance colorante que 8 ou 10 parties de gaude. La décoction du Quercitron est d'une couleur jaune-brunâtre; les alcalis la rendent plus foncée, et les acides plus claire ; la solution d'alun n'en sépare qu'une petite portion de matière colorante, qui forme un précipité d'un jaune foncé. Les dissolu- tions d'étain y produisent un précipité plus abondant et d'un jaune vif.
Pour teindre la laine en jaune , il suffit de faire bouillir le Quercitron avec son poids d'alun; on intro- duit ensuite l'étoffe , en donnant d'abord la nuance la plus foncée, et en finissant par la couleur paille. On peut aviver ces couleurs en faisant passer l'étoffe , au sortir du bain , dans une eau blanchie par un peu de
II. i5
Il4 QUERCUS TINCTORIA.
craie lavée. On obtient une couleur plus vive par le moyen de la dissolution d'étain. Le Quercitron peut être substitué à la gaude pour les différentes nuances qu'on veut donner à la soie , qui doit être d'abord alu- née. La dose est d'une à deux parties de Quercitron pour douze parties de soie. Il résulte des essais faits sur le Quercitron , que cette substance est très - utile en teinture, et qu'elle a l'avantage d'être à très-bon mar- cbé. Dans les prix courans de Philadelphie du mois de février 1808, le Quercitron est coté à raison de 4o dollars le tonneau, ou environ 10 francs le quintal. C'est principalement de cette ville que le Quercitron s'exporte en Europe.
Quoique le bois du Quercus tinctoria soit de meilleure qualité que celui des Quercus cocci- nea , Quercus falcata , Quercus ruhra , Quercus palustris , Quercus ambigua , Quercus phellos , Quercus aquatica^ connus sous le nom de Chênes rouges , il est néanmoins très - inférieur à celui que fournit le Chêne d'Europe. Mais la haute élévation à laquelle il parvient; la facilité avec laquelle il prend un grand et prompt accroissement, même dans un mau- vais sol et dans les pays les plus froids; la propriété précieuse de son écorce pour la teinture ; tous ces titres doivent le recommander auprès des forestiers européens. Ce sont ces considérations qui , pendant mon séjour dans l'Amérique septentrionale , m'ont déterminé à envoyer en France beaucoup de glands de cette espèce : il en existe actuellement , dans les
QUERCUS ÏINCTORIA. IIJ
pépinières de l'administration impériale des eaux et forêts, plus de vingt mille jeunes plants , dont la bril- lante végétation peut faire considérer sa propagation dans les forets de l'Empire comme certaine.
PLANCHE XXII.
Rameau représentant les feuilles et le fruit de grandeur naturelle.
QUERCUS cocciNEA,
SCARLET OAK.
QuERcus ,foliis longe petiolads , oblongis , projundè sinua- ùis t glabris; lobis dentatisy acutis: cupuld însigniter squamosâ ; glande brevi ovatâ.
Cette espèce de Chêne commence, vers le Nord, à se trouver dans les environs de Boston , Etat de Mas- sachusset; mais elle y est moins multipliée que dans le New- Jersey , la Pensylvanie, la Virginie, lesHautes- Carolines et la Haute- Géorgie, où elle concourt à former la masse des forets qui y existent encore. Elle est beaucoup moins commune dans la partie basse de ces derniers Etatsj car, comme je l'ai dit autre part, la très-grande partie du sol de ces contrées n'est sus- ceptible de produire que des Pins. Je n'ai point remar- qué cet arbre dans le district de Maine , dans le New- Hampsbire, l'Etat de Vermont, et dans le Génessée, au-delà d'Utica. Partout où je viens d'indiquer que le Quercus coccinea se trouve dans les Etats- Unis, il est confondu soit avec le vrai Chêne rouge , ou avec le vrai Chêne d'Espagne, Quercus f aie cita ; ce qui fait que, dans les Etats du Nord, il est connu des habi- tans sous le nom de Chétie rouge; et dans ceux du mi- lieu et du Sud, à partir de Philadelphie , sous celui de Chêne d'Espagne.
La dénomination de Scarlet o«Â:, Chêne écarlate, qui lui a été donnée par mon père, et qui lui est très-con-
Ji,..^a .U
dtiru/ Si-m^
OUEllCrS oocomci.
QUERCUS COCCINEA. XI7
venable , est jusqu'à présent étrangère aux habitans des divers endroits où il croît j mais il est à présumer qu'ils finiront par l'adopter 5 car cette espèce, étant absolu- ment distincte de celle avec laquelle elle a été confon- due , doit nécessairement porter un nom particulier.
Le Qiiercus coccinea est un très-grand arbre qui parvient à plus de 80 pieds (27 mètres) d'élévation et à 3 ou 4 pieds ( i mètre) de diamètre. Les feuilles, supportées sur de longs pétioles et d'une belle couleur verte, sont assez grandes, lisses, luisantes en -dessus et en-dessous, et laciniées d'une manière très- remar- quables : elles présentent le plus souvent quatre sinus arrondis, très-profonds et très-larges à leur base. Dès les premiers froids, le feuillage de cet arbre commence à s'altérer , et , après quelques gelées , les feuilles deviennent d'un rouge assez vif, et non d'une teinte terne comme le vrai Quercus rubra. A cette époque de l'année , cette singulière altération de son feuillage forme un contraste très-frappant avec celui des autres arbres, et cette seule propriété devroit engager à le planter, pour contribuer à rembellissement des parc? et jardins d'une grande étendue.
Les glands , contenus jusqu'à la moitié dans une cupule sensiblement écailleuse , sont assez gros , un peu alongés et arrondis également à leurs deux extré- mités. Comme la grosseur de la cupule et du gland varie assez, eu égard à la nature du sol où croît l'arbre qui les produit, il est fort difficile de les distinguer extérieurement d'avec ceux du Quercus tinctoria. Le seul caractère qui les discerne, est dans la couleur de la
Il8 QUERCUS COCCINEA.
chair , qui est blanche dans les glands du Quercus coccinea, et jaunâtre dans ceux de l'autre espèce.
Le bois du Quercus coccinea est rougeâtre , d'une texture très-grossière , et ses pores sont entièrement vides. Comme il pourrit beaucoup plus vite que celui du Chêne blanc , on s'en sert le moins que l'on peut dans la bâtisse des maisons, ainsi que dans le charro- nage , et on ne l'emploie qu'au défaut de ce dernier ou par esprit d'économie. Il est également peu estimé comme bois de chauffage. Son principal usage dans les Etats du Nord et du milieu , consiste en merrain , dit de Chêne rouge ; et comme cet arbre est très-abon- dant dans les Etats du milieu, il doit fournir une bonne partie de celui de cette espèce que l'on consomme dans le pays, ou que l'on exporte aux colonies des Indes occidentales.
L'écorce du Quercus coccinea est très-épaisse ; on l'emploie généralement pour le tannage des cuirs; mais elle n'est, en aucune manière, préférable à celle de plusieurs autres espèces de Chênes que je décrirai ci- après , et dont l'écorce est aussi épaisse et aussi riche en principe tannin.
Cet arbre vient très -bien en France; on en a un exemple dans une plantation très-belle, formée d'arbres de plus de [\5 pieds ( i5 mètres ) , qui fut faite à Ram- bouillet en 1786, à la suite des envois que fit mon père , peu après son arrivée dans les Etats-Unis. Il est réellement fâcheux qu'un aussi beau et aussi grand arbre, qui prospère sur notre sol, ne donne qu'un bois d'une qualité assez médiocre. C'est pourquoi j.e ne
QUERCUS COCCINEA. II9
puis ni recommander son introduction dans les forets européennes, ni même engager les Américains à le ménager de préférence à d'autres espèces plus utiles.
PLANCHE XXIII.
Rameau représentant les feuilles et les glands de grandeur naturelle.
QUERCUS AMBIGVA. G RE Y OAK.
QuERcus , foins sinuatis , glabris , sinubus subacutis : cupulâ subscutellatà ; glande turgide ovatâ.
De toutes les espèces de Chênes de l'Amérique septentrionale , c'est celle qui croit le plus avant vers le Nord. C'est du moins le résultat des remarques de mon père, qui, à son retour de la baie d'Hudson, en vit les premiers individus sur les rives du fleuve St. Laurent , entre Québec et la Malebaie, latitude l\'f. 5o'. Mais sous cette latitude , ainsi qu'aux environs d'Halifax, Nouvelle-Ecosse, où je l'ai observé de mon côté pour la première fois, cet arbre ne parvient pas à plus de 4o pieds (i3 mètres) d'élévation; les hivers y sont tellement rigoureux et les froids se font sentir de si bonne heure sur l'arrière -saison, que, bien qu'il fleurisse tous les ans, ses glands, au rapport des habi- tans , ne parviennent à leur complète maturité que tous les trois ou quatre ans. Trois degrés seulement plus au Sud, cet arbre est déjà beaucoup plus multi- plié , comme j'ai eu occasion de le remarquer dans le district de Maine, dans le New-Hampshire, et sur la rive orientale du lac Champlain , dans l'Etat de Ver- mont. Dans ces diverses parties des Etats-Unis, il s'élève à 5o et 60 pieds ( 16 à 20 mètres ) sur 18 pouces (5o centimètres ) de diamètre, et il est connu des habi-
ur/tix^'^
OUERCITS aiuWnia
QUERCUS AMBIGU A. 121
tans sous le nom de Grej oiik^ Chêne ^ris. Conimo il a beaucoup d'analogie , par son feuillage , avec le vrai Chêne rouge (avec lequel il a été jusqu'ici con- fondu par les botanistes), et par ses glands avec le Qiiercus coccinea, j'ai pensé que le nom spécilique lalin d'Ambigua étoit assez convenable pour indiquer cette analogie avec les deux espèces.
Les feuilles du Quercus ambigua sont assez gran- des, lisses en-dessus et en-dessous, et découpées pro- fondément à angles droits. Ses glands, contenus dans une cupule écailleuse, sont de moyenne grosseur, et arrondis à leur partie supérieure.
Le bois du Quercus ambigua offre absolument la même texture que celui des autres espèces de Chê- nes, dit Chênes rouges j le grain en est grossier, et les pores en sont entièrement vides , ce qui ne le rend propre qu'à faire des caisses ou des tonneaux des- tinés à contenir des marchandises sèches. Mais dans les contrées où il croît, le bois de Chêne étant assez rare, on recherche ceux des espèces les plus médiocres, et qui sont les moins appréciées dans les pays situés plus au Midi , et on les préfère à ceux de bouleau, de hêtre, de pin, etc. C'est pour cela que, dans ces contrées , on emploie le bois de Chêne gris pour genoux dans la construction des vaisseaux et pour le charronage; on le regarde même comme bien supé- rieur, pour ces usages, à celui du vrai Chêne rouge, parce qu'il est plus fort et plus durable.
Tels sont les renseignemens que j'ai été à même de recueillir sur cette espèce de Chêne, tant à Halifax II. 16
122 QUERCUS AMBIGUA. \
que dans le district de Maine. Elle rentre donc dans la classe de celles qui , sous le rapport de leur utilité, ne peuvent intéresser ni les Européens, ni même les habilans des contrées où elle croît , parce- que ces contrées produisent des espèces bien préféra- bles, comme le Quercus alba^ le Quercus discolor et le Quercus prinus monticola.
PLANCHE XXIV.
Rameau représentant les feuilles et le fruit de grandeur naturelle.
J'JJlrJouée (/,-/
OUEllCUS palustns
k"V^'V-W-VV>iV^-W
QUERCUS PALUSTRIS.
FINE OAK.
QvEKcvSfJoll'îs profu7idê si'nuati's, glabris y sînuhus latls ; fruclu parvo ; cupuld scutellatd , levi ; glande sub - ^lohosâ.
Cette espèce de Chêne, comme celle précédem- inent décrite, commence à paroître, vers le Nord-Est, dans l'Etat de Massachusselt ; mais elle y est moins multipliée que dans les environs de New- York, dans le New-Jersey, la Pensylvanie et le Maryland. J'ai encore trouvé le Quercus palustris au-delà des monts Alleghanys , près de Pittsburgh , sur l'Ohio, ainsi que dans l'Est Génessée. Mon père , de son côté , l'a vu fort abondant dans le pays des Illinois. Le dis- trict de Maine, l'Etat de Ver mont et les Etats méri- dionaux sont, au contraire, les parties des Etats-Unis où je pourrois presque assurer que cet arbre n^existe pas.
Dans le bas de l'Etat de New- York, dans le New- Jersey , et probablement aussi dans le Connecticut, cette espèce de Chêne est connue sous le seul nom de Pine oak^ Chêne à épingles ou à chevilles; mais dans la Pensylvanie, le Delaware et le Maryland , elle est désignée sous celui de Swamp Spanish oak^ Chêne d'Espagne des marais. Quoique cette dernière déno- mination lui convienne assez bien , eu égard aux loca- lités dans lesquelles elle croit et à la grande analogie qu'elle a dans son feuillage avec le Chêne écarlate ,
124 QUERCUS PALUSÏRIS.
néanmoins, j'ai préféré la première pour éviter toute méprise; et, en second lieu , parce qu'elle ma semblé se rattacher à un caractère pris dans l'arrangement naturel de ses branches.
Le Quercus palustris est un très-grand arbre qui croît constamment dans les lieux humides, et de pré- férence autour des mares qui sont enclavées dans les forets. Dans de pareilles situations, sa hauteur excède souvent 70 à 80 pieds (-23 à 27 mètres) sur 3 à 4 pieds (i mètre) de diamètre. Ce qu'il y a de fort remarqua- ble dans ce Chêne , c'est que ses branches secondaires sont beaucoup plus n^enues et beaucoup plus nom- breuses que ne paroîtroient devoir l'être celles d'un arbre qui a d'aussi fortes dimensions. De plus, elles sont comme mêlées entr'elles; ce qui fait que, dans l'éloi- gnement , elles lui donnent une apparence fourrée. C'est peut-être à cause de cette disposition assez sin- gulière, que le nom de Chêne à épingles lui a été donné. Du reste, elle le fait reconnoître en hiver au premier abord , lorsqu'il est privé de son feuillage.
Les feuilles du Quercus palustris , lisses en-dessus et en-dessous, et d'un vert agréable, sont supportées par de longs pétioles, laciniées très-profondément, et fort semblables à celles du Quercus coccinea^ dont elles diffèrent principalement, en ce qu'elles sont tou- jours plus petites dans toutes leurs proportions. Ses glands, petits et arrondis, sont contenus dans une cupule très-évasée , peu profonde , et dont les écailles sont étroitement apphquées les unes sur les autres. L'écorce qui couvre le tronc , même dans les plus
QUERCUS PALUSTRIS. 125
vieux arbres, esta peine fendillée, et composée presque entièrement d'un tissu cellulaire très-épais. Le bois est rougeàtre, d'une texture très-grossière, et les pores en sont entièrement vides et d'une capacité même plus grande que ceux du Quejxus coccinea et du Quercus riibra. Comme celui de ces deux espèces, il est très- peu estimé sous le rapport de la durée, quoique cepen- dant on lui ait reconnu plus de force et de ténacité ; voilà pourquoi on s'en sert depuis quelque temps pour faire des arbres de moulins , lorsqu'on ne peut se procurer des Chênes blancs d'assez fortes dimen- sions. On le débite aussi quelquefois en merrain, dit de Chêne rouge ; mais cela arrive rarement , car cet arbre est très-peu abondant , comparativement au Chêne écarlate, au Chêne rouge et au Chêne noir.
Le Quercus palustris , dans sa jeunesse , affecte naturellement une forme pyramidale, qui lui donne un aspect fi)rt agréable , à quoi contribue pour beaucoup son feuillage élégant et léger ; ce qui doit lui mériter une place distinguée dans les parcs et jardins d'une certaine étendue : il conviendra, dans tous les cas, de ne jamais le priver de ses branches intérieures. Le plus bel individu de cette espèce que je connoisse en France, se trouve dans le jardin d'un amateur , situé à trois lieues d'Anvers ; il avoit environ 20 pieds (7 mètres) de haut, en i8o4, et sa végétation bril- lante et vigoureuse indiquoit assez que le sol et le climat lui sont très-favorables.
PLANCHE XXV.
Rameau représentant les feuilles et le fruit de grandeur naturelle.
QUERCUS RUBRA.
RED OAK.
QuERCUs, foliis longé petiolatis , glabris ^ obtuse sinuatis ; cupuld scuùellatâ , sublœvi ; glande subovatâ.
Cette espèce est, après le Chêne gris, celle qui se trouve le plus avant vers le nord, car elle est une des plus com- munes dans les Etats septentrionaux , ainsi qu'en Canada. Plus au Midi, et notamment dans le bas de l'Etat de New- York, dans le New- Jersey, la Haute-Pensy!- vanie , et sur toute la chaîne des monts Alléghanys , le Chêne rouge vient à-peu-près en égale proportion dans les forets avec le Chêne écarlate et le Chêne noir; mais il est beaucoup plus rare dans le Maryland , dans la Basse-Virginie , et dans la partie maritime des Caro- lines et de la Géorgie. Cette remarque m'a confirmé dans les observations que j'avois déjà faites, que cet arbre n'acquéroit jamais son plus grand développe- ment que dans les climats froids, et où le sol est d'une assez bonne qualité. Partout où il se trouve , il est connu des habilans sous la seule dénomination de Chêne rouge, bien que quelquefois, dans la Pensyl- vanie, aux environs de Lancaster , il soit confondu avec le Querciis falcata dont on lui donne le nom.
Le Qiiercus nibra est un fort grand arbre, dont la cime embrasse beaucoup d'espace , et dont la hauteur excède fréquemment 80 pieds (2'y mètres) sur 3 à 4 pieds ( I mètre ) de diamètre. Ses feuilles, lisses et lui-
P/2Û.
J>J.Mo„/é<i-l.
QUEUCUS iMiWa
(ne^rtr/i^ .
QUERCUS RUBRA. 12'J
santés à leur surface supérieure et inférieure, sont assez grandes , profondément découpées et arrondies à leur base. Dans les jeunes arbres, les feuilles sont beaucoup plus larges que dans les vieux j les découpures en sont plus profondes, plus étroites et plus droites que dans celles qui sont prises sur les branches du milieu de l'arbre ou sur son sommet. Ces dernières ressemblent assez aux feuilles du Quercus falcatw^ mais elles sont bien reconnoissables, parce que celles-ci sont toujours très-sensiblement veloutées à leur partie inférieure , au lieu que celles du Quercus rubra sont parfaitement glabres. En automne, elles deviennent d'un rouge terne, et finissent par jaunir et tomber.
Les glands du Quercus ruhra sont fort abondans, très-gros, arrondis seulement à leur sommet et dépri- més à leur base; ils sont contenus dans une cupule très-plate , et dont les écailles sont petites et étroite- ment appliquées les unes sur les autres. De même que ceux des autres espèces de Chênes, ils sont fort recher- chés en automne , tant par les animaux sauvages que par les chevaux , les vaches et les cochons que les ha- bitans ont la mauvaise coutume de laisser trop long- temps paître dans les bois, dans cette saison où le froid a déjà flétri les herbes et les plantes qui leur servent de nourriture.
Le bois du Quercus ruhra est rougeâtre , son grain est d'une texture grossière , et ses pores entièrement vides, présentent souvent assez de capacité pour lais- ser passer un cheveu. Il est reconnu pour avoir de la force , mais aussi comme susceptible de pourrir
128 QUERGUS RUBRA.
promptement. Aussi, c'est de tous les Chênes celui dont le bois est le dernier employé dans toute espèce de constructions. Le meilleui' parti qu'on en tire , est de fournir abondamment à la fabrication du merrain de Chêne row^e, dont on fait des barriques pour le trans- port des salaisons, des farines, des légumes et autres marchandises sèches , et qui est exporté aux colonies, où on s'en sert pour mettre des sucres et surtout des mélasses.
L'écorce du Quercus rubra est composée d'un épi- démie très-mince et d'un tissu cellulaire très-épais. On en fait un grand usage pour le tannage des cuirs, mais le tan qu'on en tire est moins estimé que celui du Quercus f aie ata^àn Quercus tinctoria et du Quercus prinus monticola. Je parlerai plus au long de chacune de ces écorces, et de celles des autres arbres dont on se sert pour cet usage dans les Etats-Unis , dans le résumé qui terminera cet ouvrage.
Le Quercus rubra est un des arbres de l'Amérique les plus anciennement introduits en France. Il en existe , dans les propriétés de feu M. Duhamel du Monceau , de très-forts individus qui donnent abondamment des fruits , et qui même se reproduisent naturellement ; mais son bois est d'une qualité si médiocre, que je ne puis en recommander la multiplication dans nos forets.
PLANCHE XXVI.
Rameau représentant les feuilles et le fruit de grandeur naturelle.
LES BOULEAUX.
JLjes parties les plus septentrionales de l'ancien et du nouveau Continent peuvent être considérées comme la patrie des Bouleaux, si Ton en juge par les espèces nombreuses qui s'y trouvent , et dont le nombre diminue à mesure qu'on s'en éloigne. Ces arbres sont d'un grand intérêt pour les habitans de ces contrées, qui, par la rigueur du climat, sont privés de la plupart des autres grands végétaux qui existent dans les régions tempérées ; aussi savent-ils en tirer parti d'une manière merveilleuse pour les besoins de la vie. Ils se servent du bois pour bâtir les maisons , pour construire les navires , pour le charronage et l'ébénisterie. Avec l'écorce , qui est presque incorruptible , ils font des pirogues , des boîtes, des paniers, et ils s'en servent pour clore plus exactement les toits de leurs habitations : avec les feuilles, ils teignent leurs filets, et de la sève ils tirent une boisson douce et sucrée.
D'après les recherches des botanistes , il résulte que le Nord des États-Unis possède une aussi grande variété de Bouleaux que l'Europe ; et, selon mes pro- pres observations, si l'on compare les propriétés du bois des uns et des autres , on trouvera que l'avan- tage est tout en faveur des espèces américaines. Ainsi, le Bouleau à canot égale en bonté le Bouleau blanc qui croît en Suède et en Russie j le Bouleau H. 1-7
l3o BOULEAUX.
merisier et le Bouleau jaune sont encore très-préfé- rables à cette dernière espèce , par la force et la beauté de leur bois , ainsi que l'attestent les usages auxquels ils sont employés , tant au Canada que dans les États du Nord et du centre des États-Unis.
Des sept espèces de Bouleaux trouvées jusqu'ici dans l'Amérique septentrionale, cinq sont des arbres qui acquièrent une très-grande élévation, et les deux autres ne sont, au contraire, que des arbrisseaux; ce qui fait que je m'abstiendrai d'en parler.
J'ai cru trouver, dans la forme et la disposition droite ou inclinée des chatons de ces diverses espè- ces, une ligne de démarcation assez saillante pour pouvoir en former deux sections, en rapprochant celles qui ont le plus d'affinité entre elles. Ainsi, dans la première section, se trouveront placés le Betula papjraceael le Betula populifolia , dans lesquels les chatons sont longs, flexibles et pendans; et dans la deuxième , les Betula rubra, Betula tenta et Betula lutea^ chez lesquels ils sont, au contraire, courts et droits.
J'ai été conduit à cette distinction plutôt par les apparences extérieures que par l'examen physiologi- que des parties sexuelles de ces espèces, comparées minutieusement entre elles. Je laisse donc aux bota- nistes consommés à examiner si cette divison mérite d'être adoptée.
DISPOSITION MÉTHODIQUE DES BOULEAUX
DE L'AMÉRIQUE SEPTENTRIONALE.
Monoecie Polyandrie , Lin. Famille des Amentacées , Inss» Is" SECTION.
CHATONS FEMELLES PÉDICULES ET PENDAM».
1. Betula papyracea. . . . Canoë birch.
2. Betula populifolia. . . VThite birch.
II.' SECTl ON.
CI1ATON3 FEMELLES SESSILUâ ET UUUITS.
0. Betula rubra Red birch.
4. Betula lenta Black birch.
5. Betula lutea. , .... Yellow birch.
ni.
ficvMdel.
liETULA papviacea.
BETULA PAPYRACEA,
CANOË BIhCH.
Betula, Joliis ovalibus acuminatls , subœqualiler ser- ratis : petiolo glabro ; venis subtùs hirsatis.
B. papyrifera. A. MiCH. , FI. b. Amer.
Les Français Canadiens donnent à cet arbre le nom de Bouleau blanc et de Bouleau à canot ; les Américains le connoissent sous les mêmes dénomi- nations, et quelquefois encore sous celle de Bouleau à papier. Le nom de Bouleau à canot ma semblé le plus convenable , parce qu'il indique un des usages les plus importans de son écorce.
Toutes les contrées situées au-delà du /^3^ degré de latitude, et comprises entre le yS* o. de longi- tude et la mer, savoir : le Bas-Canada , la Nouvelle- Brunswick , la Nouvelle-Ecosse , qui appartiennent à l'Angleterre; le district de Maine, et les États de New-Hampshire et de Vermout dépendans des États- Unis, sont les parties de l'Amérique septentrionale où le Betula papyracea est le plus multiplié dans les forets ; mais il cesse de croître dans les contrées qui sont au Sud du 43*^ », et on ne le voit déjà plus dans la partie inférieure du Connecticut et dans l'État de New-York, au-dessous d'i\lbany.
Tous ces pays offrent assez généralement une sur- face fort inégale , entrecoupée en tout sens de col- lines et de lacs , occupée par d'épaisses et ténébreuses forets, dont le sol, assez fertile, est couvert, en grande
l34 BETULA PAPYRACEA..
partie, de grosses pierres, qu'un lit épais de mousse dérobe à la vue : toutes ces contrées ressemblent beaucoup à la Suède et à la partie orientale de la Prusse , soit par l'aspect et la configuration du sol , soit par la rigueur des froids qu'on y éprouve , quoi- qu'elles soient situées dix degrés plus au Sud.
C'est sur le penchant des coteaux et dans le fond des vallons où le terrein est de bonne qualité , que le Betula papjracea parvient à son plus grand déve- loppement, qui est d'environ 70 pieds ^ 28 mètres) sur 3 pieds [ 96 centim. ) de diamètre. Ses rameaux sont menus, flexibles, et couverts d'une écorce lui- sante et de couleur brune, marquée de petits points blancs. Ses feuilles, de moyenne grandeur, de forme ovale et d'un vert assez foncé , sont lisses, inégale- ment dentées , et supportées sur des pétioles qui n'ontque4à5 lignes (^lomillim.j de longueur. Les chatons, longs d'environ i pouce è ( 4centimètresj, sontpendans; les graines sont à maturité vers le i5 juillet.
Le cœur ou le vrai bois de cet arbre , fraîchement débité^ est rougeâtre et entouré d'un aubier très- blanc; le grain en est fin et lustré, et il a de la force; mais il est peu employé , soit parce qu'il pourrit promptement lorsqu'il est exposé long-tems aux alter- natives de la sécheresse e^ de l'humidité, soit parce que toutes les contrées où il croit, recèlent plusieurs autres espèces de bois qui sont très-préférables pour la menuiserie et le charronage , tels que ceux des arbres résineux, des Erables, du Hêtre, et même
BETULA PAPYRACEA. l35
du Bouleau jaune. Cependant, dans le district de Maine, on s'en sert souvent pour faire des tables, que l'on peint en couleur d'acajou.
Immédiatement au-dessous des bifurcations des plus grosses branches de cette espèce de liouieau , et seulement dans une longueur de i à 2 pieds (32 à 64 centim.j, on trouve des accidens magnifiques qui offrent à l'œil des gerbes ou des panaches; les morceaux qui les représentent sont divises en lames très-minces, que l'on plaque sur l'acajou. Les ébénistes à Boston et dans toutes les villes situées plusau Nord, s'en servent souvent pour embellir les meubles qu'ils fabriquent. Le Betula papjracea fournit un fort bon bois de chauffage; et, comme tel , il est exporté du district de Maine en assez grande quantité pour la consom- mation de la ville de Boston.
Le bois de cet arbre est d'un usage assez borné dans le Nord de l'Amérique; cependant je ne doute pas qu'il ne soit tout aussi bon que celui du Betula alha^ qui croît en Suède et en Norvège, où il rem- place très-avantageusement , à beaucoup d'égards , le Chêne, soit pour la menuiserie, soit pour le charro- nage; et^ je le répète, si en Canada et dans le nord des Etats-Unis, fespèce dont il est ici question n'est pas adaptée à des objets de pareille utilité, c'est parce que les contrées où elle croit en offrent d'autres d'une qualité supérieure, et qui n'ont pas leurs analogues dans le nord de l'Europe.
Lécorce du Betula papyracea, comme celle du Betula alha qui croit en Suède , est d'une blancheur
l36 BETULA. PAPYRACEA.
éclatante dans les arbres qui ont moins de 8 à lo pouces ( 2f^k 3o centim. ) de diamètre, et elle est également presque indestructible ; car on rencontre fréquemment dans les forêts des arbres tombés de vétusté depuis bien des années, dont le tronc paroit sain, et dont cependant l'écorce ne couvre qu'une substance friable, et semblable à du terreau. Cette écorce, comme celle de l'espèce européenne, est em- ployée à des usages très- variés; ainsi, en Canada et dans le district de Maine , les habitans des campagnes s'en servent fréquemment pour clore plus exactement le toit de leurs maisons, en en plaçant de grands morceaux immédiatement au-dessous des bardeaux dont elles sont couvertes. On en fait des paniers, des boîtes, des porte-feuilles que l'on orne quelquefois de broderies en soie de différentes couleurs. Divisée en feuillets très -minces, on peut s'en servir pour écrire. Interposée entre les semelles des souliers, et placée intérieurement dans la forme des chapeaux , elle préserve de l'humidité ; mais son emploi le plus important, et pour lequel l'écorce d'aucune autre espèce d'arbre ne pourroit la remplacer , est dans la construction des pirogues et des canots. Pour se pro- curer les morceaux d'écorce dont ils sont composés, on choisit les Bouleaux les plus gros et les plus unis, et on y fait au printemps deux incisions circulaires, à plusieurs pieds de distance, et une incision longi- tudinale de chaque côté; alors, si on introduit un coin de bois entre le tronc et l'écorce, celle-ci se détache aisément. Ces morceaux ont ordinairement
BETULA PAl'ÏKACEA. l'^n
10 à 1 2 pieds (3 à 4 met.) de long sur 2 piedsy pouces (65 ccntim. j de large ; pour en construire des canots , on les joint ensemble, au moyen d'une alêne , avec les racines fibreuses de l'épineLte h\ nnche ^ yî bies aiOa, qui sont de Ja grosseur d'une plume à écrire. Mais avantde s'en servir, on a soin de les fendre en deux, de les dépouiller de leur écorce, et de les assouplir dans 1 eau. Les coulures sont ensuite enduites et couvertes avec de la résine du Baumier de Gilead , Abies balsa- juifera. Ces canots, dont les Sauvages et les Franf;ais Canadiens font grand usage dans les longs voyages qu'ils entreprennent dans fintérieur des terres , sont très-légers, et peuvent se transporter sur les épaules lorsqu'il faut passer d'un lac ou d'une rivière dans une autre; c'est ce qu'on appelle faire le portage. Un canot calculé pour quatre personnes et leur ba- gage, pèse de quarante a cinquante livres f 20 à 25kil.J. On en fabrique qui sont assez grands pour porter quinze personnes.
Tels sont les services les plus ordinaires qu'on tire, dans le JNord de l'Amérique , de l'écorce et du bois du Betula papyracea. Mais en Suède et en Russie, le Betula alba en rend encore de plus grands. Ainsi , les cuirs de Russie , si estimés dans le commerce , sont préparés avec l'huile empyreumatique qu'on a extraite du Bouleau. Les Lapons s'en servent pour tanner les peaux de Rennes ; ils en font des cordages et ils ob- tiennent , par finfusion des feuilles , une couleur rougeâlre avec laquelle ils teignent leurs lilets. Les brancliages garnis de leurs feuilles serve4it, à certaines II. 18
l38 BETULA PAPYR.ACEA.
époques, à nourrir les bestiaux. La sève fermentëe produit un bon vinaigre. Les Finlandais emploient les jeunes feuilles en guise de thé, et les Lapons et les Groënlendais pilent le tissu cellulaire de l'ëcorce, et le mêlent à leurs alimens.
Je suis entré dans ces détails sur le Bouleau d'Eu- rope , parce qu'il a, avec celui d'Amérique, la plus grande ressemblance ; je pense que l'espèce qui croit si abondamment aux environs de Paris est une variété du Betula alha de la Suède et de la Russie ; ou s'il n'en possède pas, à beaucoup près, les pro- priétés, il faut l'attribuer sans doute à l'influence de la température beaucoup plus douce de nos con- trées.
Le Betula papjracea Vienl très-bien aux environs de Paris , oii il est connu des amateurs et des pépi- niéristes sous le nom àe Betula nigra. Si l'expérience apprend qu'il peut croître dans les mauvais terrains, alors ce sera une bonne acquisition pour nos forets, car la hauteur de cet arbre est plus considérable que celle du Rouleau que nous possédons , et son bois est très-préférable.
PLANCHE r.
Rameau représentant les feuilles et les chatons femelles de grandeur naturelle. Fi g. i , graine. Fig. 2 , écaille de chaton sous laquelle est placée la graine.
fl.2.
Ar.,v; ,M'''
BETTJLA po|)iJi(olia
Gahrul Sail .
U-e^- J:^'(}(re/iy
BETULA PO PU Ll F O LIA,
WllITE BIRCH.
B E T u L A , foUis longé acuminatis , inœquallter serratis , glaberrimis.
Cette espèce, comme le Betula papyracea , croît en Canada et dans les parties les plus septentrionales des États-Unis. Elle se trouve encore dans le bas de l'État de New- York, du New-Jersey et delà Pensylva- nie ;mais elle est plus rare en Virginie, et je crois pou- voir assurer qu'elle n'existe pas dans lesÉtats méridio- naux. Aux environs de New- York et de Philadelphie , on donne à cet arbre le nom de TVhite birch^ Bou- leau blanc : ce nom est aussi en usage dans le dis- trict de Maine, où cependant il est fréquemment désigné sous celui de Oldjield birch^ Bouleau des champs abandonnés, pour le distinguer du Bouleau à canot. Les situations peu garnies de bois, ou le sol est sec et maigre, sont celles où le Betula populifolia se rencontre le plus souvent, et il s'y élève à 20 et 25 pieds (739 mètres J. Cependant les individus qui croissent accidentellement dans les lieux humi- des, parviennent à de plus fortes dimensions , et on en voit qui ont 3o à 35 pieds T 10 à 12 mètres) de hauteur sur 8 à 9 pouces (^ 24 à 27 centimètres} de diamètre.
Le Betula populifolia, dans les pays où il se trouve, ne m'a pas paru aussi multiplié que les autres espèces
l40 * BETULA POPULIFOLIA.
de ce genre que je décris, car on en rencontre rare- ment plusieurs ensemble , et seulement à d'assez grands intervalles. Il est un peu plus répandu dans le district de Maine , mais on ne l'y trouve que sur le bord des chemins et dans les champs qui ont été épuisés par la culture , et dont le sol est très-sablon- neux.
Dans les arbres qui ont acquis tout leur accrois- sement, les branches sont très - nombreuses, très- menues et ordinairement décombantes. Ses feuilles, lisses en-dessus , et en-dessous , sont en cœur à leur base , très-acuminées , et doublement et inégalement dentées dans leur contour. Les pétioles, légèrement tors, les rendent plus mobiles que celles des autres espèces chez lesquelles cette disposition n'existe pas. J'ai encore remarqué que les bourgeons du Betula populifolia ^ peu de jours après leur développement, étoient légèrement enduits d'une substance jaunâtre et odorante. Le tronc du Betula populifolia est cou- vert d'une écorce dont la blancheur est aussi parfaite que celle du Bouleau à canot, ou du Bouleau d'Eu- rope; mais elle en diffère essentiellement,enceque son épiderme , après avoir été enlevé de dessus l'écorce propre , ne peut , comme celui de ces deux der- nières espèces, se subdiviser en feuillets ou lames très-minces.
Le bois du Betula populifolia est très-blanc, très- tendre , et comme lustré lorsqu'il a été poli. Comme il est susceptible de pourrir très - promptement , et que, d'ailleurs, les pièces qu'il fournit ont de trop
BEÏIJLA POPULIFOLIA. ll^l
petites dimensions, on n'en fait aucun usage, pas même en bois à brûler. Les menues branches sont trop cassantes pour en faire des balais ordi- naires.
Cet arbre ne présente donc aucun degré d'utilité qui puisse en faire recommander l'introduction dans les forets européennes , ni même la conserva- tion dans les États-Unis.
PLANCHE IL
Rameau représentant les feuilles et un chaton femelle de gran- deur naturelle. Fig. i , graine. Fig. i , écaille du chaton qui couvre la graine.
BETULA RVBRA.
RED BIRCH.
Betula y foliis rhomheo - ovatis , acuminatis , duplicato- serratis ; petioll brevi.
B. nigra , Wild. B. lanulosa, A. Mich., FI. b. Ara.
Les bords d'une petite rivière qui coule à Rouack- nack, dans le New- Jersey, et qui est distante d en- viron I o milles de New-York , peuvent être , je pense , considères comme un des points les plus avances vers le Nord où croit cette espèce de Bouleau ; car je ne l'ai trouvée dans aucun des Etats situés au Nord- Est de la rivière Hudson , tandis qu'elle est très- multipliée dans ceux du milieu et du Sud, et no- tamment dans le Maryland , la Virginie et la partie haute des deux Carolines et de la Géorgie.
Dans la Pensylvanie et le New-Jersey , on donne à cet arbre le nom de Ked birch^ Bouleau rouge, pour le distinguer du Bouleau blanc , Betula popu- lifolia; mais plus au midi , où cette dernière espèce ne croit point, ou du moins y est comparativement fort rare, elle est seulement appelée ^i'rc^^ Bouleau.
Dans toutes les parties des Etats-Unis où j'ai indi- qué que se trouvoit le Bouleau rouge , on ne le voit point, comme les autres espèces de ce genre , mêlé parmi les autres arbres au milieu des forets, mais seulement sur les bords des rivières, où il croît avec le Platane, l'Erable blanc et les Saules; c'est aussi plus particulièrement le long de celles dont le fond
/'/ r,.
H J.Be^oniJ M
Jl^^l» l'cK^'
BETVLA rubra
BETULA. RUBRA. 1^^
est graveleux, l'eau limpide, et dont le sol qu'elles arrosent n'est pas bourbeux , comme dans la partie maritime des Carolines et de la Géorgie , que cet arbre pousse avec le plus de vigueur. Sur le bord de la Delawares , à 3o milles de Philadelphie , en suivant la route qui conduit à New-\ork par New- Hope et Sommerset, j'ai vu plusieurs Bouleaux rou- ges, qui peuvent avoir 70 pieds Ç 24 mètres j de hauteur, sur 2 à 3 pieds Ç 1 mètre ) de diamètre. On rencontre peu d'individus en Virginie et dans la haute Caroline du Nord qui excèdent cette élé- vation, quoique cet arbre y soit proportionnellement plus multiplié, eu égard à la température, qui y est plus douce. Dans les arbres qui ont d'aussi fortes dimensions , le tronc et les premières grosses bran- ches sont revêtus d'une écorce de couleur verdâtre, épaisse et assez profondément crevassée, tandis que dans ceux qui ont moins de 8 à 9 pouces Ç 24 à 27 centim. J de diamètre , l'épiderme est de couleur rougeàtre ou canelle ; d'où lui est venu probablement le nom de Red birch^ dénomination qui lui convient autant qu'aucune autre que ce soit. Gomme dans le vrai Bouleau à canot, cet épiderme se divise trans- versalement en feuillets très-minces et transparens; mais la substance qui les compose est comme mélan- gée, et ne présente pas une texture très-pure et très- homogène ; ce qui fait qu'ils n'ont pas une transpa- rence égale , et que leur surface n'est pas parfaitement unie ; de sorte que l'on pourroit dire que ces feuillets sont à ceux du Bouleau à canot, ce qu'est du beau
l44 BETULA RUBRA. /
papier à lettre à du papier commun et mal fabriqué. Quoique le sommet de cet arbre, lorsqu'il a acquis tout son développement, embrasse beaucoup d'es- pace , il paroit cependant peu toufFu, parce que ses branches sont fort épaisses; elles ont encore cela de remarquable, qu'elles se terminent en scions longs, flexibles et pendans, et que leur écorce est brune , ponctuée de blanc, légèrement rugueuse , et non lisse etluisante comme celle des autres espèces de Bouleau.
Les feuilles du Betula ruhra sont longues d'envi- ron 3 pouces (9 centim.J sur 2 C6 centimj dans leur plus grande largeur, attachées sur des pélioles courts et velus , d'un vert peu foncé en-dessns et blanchâtres en-dessous. Elles sont doublement den- tées sur leurs côtés , et leur forme est telle, qu elles sont très-acuminées à leur partie supérieure, et qu'elles se terminent à leur base par un angle très- ouvert et plus régulier qu'on ne le voit dans les feuilles d'aucun autre arbre. Les chatons des fleurs femelles, longs de 5 a G lignes [\ cent, a i cent. 2j millim. J , sont droits et presque cylindriques. Les graines sont à maturité dès les premiers jours de juin.
Le bois du Beîula ruhra est assez compacte et blan- châtre, et il y a peu de différence entre la couleur du cœur et celle de l'aubier; mais il offre cette sin- gularité que, comme celui de l'Amelanchier , Mes- pilus arhorea^ il est traversé longitudinalement, et d'une manière singulière , d'un grand nombre de vaisseaux rouges qui se croisent en suivant des direc-
BETULA hUBRA. 1 45
lions difTerentes. Dans quelques parties de la Virgi- nie et de la Caroline du Nord, les nègres se servent de son bois, à défaut de celui de Tulipier, pour en faire des sébiles et des écuelles. Partout où croît le Detula ruhra dans les Etats-Unis , lorsqu'on ne peut plus se procurer de jeunes brins d'Hickery et de Chêne blanc, on se sert de ceux de cet arbre, ou même de ses branches lorsqu'elles n'ont pas encore acquis plus d'un pouce (3 centimètresj de diamètre , pour faire des cercles à barriques , et notamment pour celles dans lesquelles on met le riz. C'est aussi des scions ou brindilles de cette seule espèce de Bouleau qu'on fait les balais employés à balayer les rues de Philadelphie ou les cours des maisons, et ils sont semblables à ceux dont on se sert à Paris pour le même usage. Les scions des autres espèces de Bouleaux ne pourroient pas convenir pour cet objet , parce qu'ils sont moins souples et beaucoup plus cassans.
Tels sont les seuls usages auxquels j'ai trouvé que le bois de cet arbre étoit employé. Ces usages sont de peu d'importance , mais je n'ai pas cru devoir les omettre ; ils prouvent que je n'ai négligé , dans au- cune occasion, de recueillir tous les renseignemens qui pouvoient donner de l'intérêt à mon travail.
Quoique j'aie dit que le Betula rubra se trouvoit constamment sur les bords des rivières, il paroit ce- pendant que leur voisinage n'est pas absolument né- cessaire à sa végétation, car il en existe un fort beau pied dans le jardin de State-House de Philadelphie, II. 19
l46 BEÏULA RUBRA.
qui a plus de 3o pieds (^lo mètres ) de haut. De toutes les espèces de ce genre qui croissent en Amérique et en Europe, et dont le nombre de celles qui forment de grands arbres s'élève à dix ou douze , le Betula rubi^a est le seul dont la végétation soit rendue très-active par une forte chaleur, telle qu'on en éprouve dans les Carolines et la Géorgie. Cette considération est, je pense , assez puissante pour en recommander la propagation, tant dans cette partie des Etats-Unis que dans le Midi de la France et en Italie; car, comme quelques auteurs qui ont écrit sur ce genre d'arbres l'ont judicieusement remarqué , si les Bouleaux n'ont pas des propriétés très-brillan- tes, elles sont du moins très-nombreuses, et ils sont également utiles à la société.
PLANCHE III.
Rameau représentant les feuilles et un chaton femelle de gran- deur naturelle. Fig. I, graine. Fig. 2 , écaille détuchée du chaton qui couvre la graine.
PL 4..
Seifj'a. J-fl.
EETULA Lenta.
< /ûurr/r < AJ/rr// .
BETULA LENTA.
BLACK BIRCH.
Betula yfoliis cordabo-ovatis ^argutè serratis^ acuminatis ,
glabris.
B. carplnifolia , A. MiCH , Flora b. Amer.
Des différentes espèces de Bouleaux qui croissent dans l'Amérique septentrionale , celle - ci est, sans aucun doute, la plus intéressante par les bonnes qualités de son bois et par son feuillage agréable. Elle est connue dans toutes les parties des Etats- Unis où elle croit, sous le nom àa Black hirch^ Bou- leau noir; cependant, en Virginie elle est quelque- fois désignée secondairement sous celui de Mountain niahogany ^ Acajou de montagne; et dans le Con- necticut, le Massachusset et plus au Nord, par ceux de Sweet hirch , Bouleau odorant , et de Cherry birch^ Bouleau merisier; cette dernière dénomina- tion est ausssi la seule usitée en Canada.
J'ai observé le Bouleau merisier à la Nouvelle- Ecosse , dans le district de Maine et l'Etat de Ver- mont; mais il y est très-rare comparativement au Betula lutea. Cet arbre abonde au contraire dans les Etats du milieu, comme ceux de New-York, de New- Jersey et de Pensylvanie ; mais plus au Sud, on ne le voit que sur le sommet des Monts-Alléglianys , jusqu'à leur terminaison en Géorgie , ainsi que sur les bords escarpés et très-ombragés des rivières qui en coulent. Il résulte donc de mes recherches , que
l48 BÉTULA LENTA.
cet arbre est entièrement étranger à la basse Virginie , ainsi qu'à la partie méridionale et maritime des deux Carolines et de la Géorgie ; je ne me ressouviens pas non plus de l'avoir trouvé dans le Rentucky et l'Ouest de Tennessee.
Dans le New^-Jersey et le long de la rivière du Nord où je l'ai plus particulièrement observé , j'ai toujours remarqué qu'il afFectoit le plus ordinaire- ment de croître partout oîi le sol est profond, meu- ble, et conserve long-temps sa fraîcheur : c'est dans de semblables situations qu'il m'a paru qu'il parve- noit à ses plus grandes dimensions , qui excèdent quelquefois 70 pieds (^i[\. mètresj d'élévation sur 2 à 3 pieds ( 1 mètre ) de diamètre.
Le Bouleau noir ou le Bouleau merisier est un des arbres qui, dans les environs de New-York , au sortir de l'hiver, développe ses feuilles le plutôt. Pendant les quinze premiers jours qui suivent cette époque , elles sont couvertes d'un duvet argen- té très-épais qui, bientôt après, disparoît entière- ment; alors elles sont d'une texture fine- et d'un vert très-agréable. Ces feuilles, longues d'environ 2 pouces (^6 centimètres j, assez semblables à celles du meri- sier, sont échancrées en cœur à leur base, acuminées supérieurement, et finement dentées dans tout leur contour. Les jeunes pousses sont de couleur brune^ lisses et ponctuées de blanc , ainsi que les feuilles elles-mêmes. Lorsqu'on les froisse ou qu'on les mâ- che, elles répandent une odeur extrêmement suave; séchées et conservées avec soin, elles.retiennent cette
BETULA LENTA. 1 l\g
propriété, ce qui permet d'en l'aire une infusion très- agréable , en y ajoutant du lait et du sucre.
Les fleurs mâles du Betula lenla sont disposées en chatons flexibles, et longs d'environ 4 pouces ( 12 centimètres. Les chatons femelles situés le plus sou- vent aux extrémités des jeunes rameaux, sont droits, cylindriques et presque sessiles , à l'époque de la ma- turité des graines, qui a lieu au i*"' novembre; ils ont 10 à 12 lig. (^ 2 à 3 centim.) de long sur 5 à 6 lignes (i centim.) d'épaisseur. Dans les individus qui ont moins de 8 pouces (24 centimètres] de diamètre, le tronc est couvert d une écorce unie, grisâtre , par- faitement ressemblante à celle du merisier par sa couleur et son organisation. Dans les vieux arbres, l'épiderme se détache transversalement d'espace en espace, et présente des lames dures et ligneuses, qui ont 6 à 8 pouces (^ 18 à 24 centimètres j de large.
Le \iÇi\'à Aw. Betula lenta^ fraîchement débité , est d'une couleur rosée , dont l'intensité augmente à mesure qu'il se dessèche et qu'il est exposé à la lu- mière. Son grain est d'une texture très-fine et très- serrée , ce qui le rend susceptible de prendre un beau poli : il possède d'ailleurs un assez grand degré de force. C'est la réunion de tous ces avantages qui le rend supérieur à celui des autres Bouleaux des Etats- Unis ; aussi, dans les Etats de Massachusset , de Con- nécticut